dimanche 4 avril 2021

« Exil pour l’enfer » (2021) - Gwenaël Le Guellec


Il parait que l’enfer, c’est les autres. C’est du moins ce que Sartre avait affirmé dans sa pièce Huis Clos… Pour Yoran Rosko, personnage central d’Exil pour l’Enfer, c’est tout de même un peu cela… puisque ce sont finalement toujours ces « autres » qui le sortent de sa vie solitaire. 

Bien que ce blog soit principalement centré sur la musique, première et éternelle passion, il n’exclut aucune forme artistique éveillant également chez moi réactions et émotions. Le théâtre et la photo en sont deux autres mais l’évasion par la lecture également. 

Ma rencontre avec ce héros malgré lui s’est faite au détour d’un roman proposé par Kobo pour la modique somme de… 1€. À ce prix-là et avec un pitch accrocheur, faut tenter l’aventure ! J’ai ouvert Armorican Psycho, le premier roman de Le Guellec, l’été dernier et ai littéralement dévoré ses 784 pages en un temps record. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette rencontre a été percutante. Coup de foudre pour ce premier roman.

 



Est-il possible de tomber amoureuse d’un personnage de roman ? Il y a un an, je vous aurais dit qu’on peut apprécier des êtres de papier. J’éprouve toujours une grande tendresse pour Beverley Marsch (Ça, Stephen King), Chris Chambers (Le Corps, Stephen King), le Renard (Oliver Twist, Charles Dickens) ou encore Athos (Les Trois mousquetaires, Alexander Dumas). Mais de là à tomber amoureux… Quoique… quand on partage autant de points communs avec un personnage, il est difficile de ne pas tomber amoureuse, finalement. La photo, les déambulations solitaires dans cette obscurité qu’on préfère à la lumière du jour, les Doc Martens, un intérêt certain pour la musique, même génération… Mis à part pour l’achromatopsie et quelques autres détails, il m’a été facile de me mettre dans la peau de Yoran. « Accro aux autopsies ? » Nan. A-chro-ma-top-sie. Le petit « truc » qui différencie le jeune Brestois des héros classique, c’est qu’il souffre d’un trouble de la vue qui l’empêche tout bonnement de voir… en couleurs ! Sa vision du monde se fait donc entièrement en noir et blanc. 

À la fin du premier livre, Yoran partait pour Amsterdam dans une clinique spécialisée, le Rotterdam Eye Hospital. Exil pour l’enfer, le second roman s’ouvre sur une découverte macabre en plein taïga russe : trois cadavres nus, avec un mystérieux message inscrit à même la chair. Yoran, lui, revient à Brest pour un adieu à un ami disparu en mer, malgré la promesse de ne plus revenir dans sa ville natale. Il ne le sait pas encore mais ces trois cadavres, retrouvés à 3000 kilomètres de lui, sont le point de départ de sa nouvelle aventure ! Une aventure où il va tenter de déjouer les plans d’une congrégation à la tête d’un projet machiavélique, menée par un leader se faisant appeler « L’Œil ». 

Nous allons ainsi parcourir de nombreux kilomètres au fil des pages, en passant par l’Allemagne, l’Irlande, l’Estonie, le Danemark, la Finlande... et finir dans le froid polaire de la Sibérie. Yoran fera plusieurs rencontres lors de son périple mais à qui peut-il faire confiance ? Parce que dans l’ombre, un homme sans nom fait lui aussi des victimes. Sa soif de justice fera-t-elle de lui le prochain sur la liste du tueur ? A vous de le découvrir ! 




Au-delà du personnage central, les livres de Gwenaël Le Guellec ont également une autre force. Celle de faire plaisir aux curieux. Je m’explique : un auteur n’a que les limites qu’il se fixe et certains imaginent des villes, des lieux parfois créés de toutes pièces alors qu’il suffit peut-être, simplement, de faire usage du monde qui nous entoure… Ce  que l’auteur a fait. Une salle de concert bretonne, un aéroport abandonné et un night-club à Berlin, un parc d’attraction à Copenhague, un orphelinat en Estonie, une église surréaliste à Helsinski, un ancien complexe minier sur une île en plein Golfe de Finlande, etc. Tous les lieux évoqués existent réellement et ont des histoires qui valent la peine qu’on se penche dessus ! De surcroit, j’avoue que pour le côté nordique, la fan qui dévore les Ragnar Jonasson, Asa Larsson ou Mo Malo, etc. en a eu pour son argent, là !

En tout cas, je vous conseille vivement d’avoir votre Google Images à portée de main en lisant le livre et d’y rechercher le lieu lorsque celui-ci apparait : une autre façon de « vivre » pleinement les scènes du livre !

 

Berhain (Berlin)









Tempelhof airport (Berlin)








Temppeliaukio (Helsinki)









L’auteur breton ne s’arrête pas là puisqu’il continue à nous régaler – comme il l’avait fait dans son premier roman – avec quelques références cinéma mais aussi avec des titres musicaux et artistes. Pas moins de vingt noms apparaissent dans les 597 pages, dans des registres variés : ce n’est pas tous les jours que l’on voit Sinatra partager l’affiche avec Rammstein, Massive Attack, Frankie Goes to Hollywood, Depeche Mode, Bowie ou la talentueuse (et Oscarisée!) compositrice islandaise Hildur Guðnadóttir (Sicario : Day of the Soldado, Joker, Trapped...) !

 


Bref, cette fois encore, en refermant ce second opus des aventures de Yoran Rosko, j’en suis arrivée à la même conclusion : ce monde est tellement visuellement riche et le personnage psychologiquement intéressant qu’une adaptation en film ou – dans une certaine mesure – en série télé pourrait trouver son public. Eux-mêmes habitués aux paysages impressionnants et aux personnages torturés, un Baltasar Kormàkur ou un Taylor Sheridan pourrait sans aucun doute assurer à la réalisation ou au scénario sans dénaturer l’œuvre originale. Reste à trouver des acteurs et actrices qui pourront rentrer dans les « costumes » de cette galerie de personnages tellement forts qu’il faut trouver… les perles rares.

Je n’ai probablement qu’un seul regret concernant Exil pour l'enfer : dans le premier opus, Yoran s’associe à un homme nommé Le Bris pour mener à bien son enquête. Je ne vous donne pas plus de détails concernant cet homme mais j’aurais voulu à nouveau voir ce chouette tandem collaborer. Mais qui sait ? Armorican Psycho et Exil pour l’Enfer font apparemment partie d’une trilogie. Peut-être reverrons-nous Le Bris dans ce dernier opus…

Bien qu’étant déjà un peu triste à l’avance d’avoir à dire adieu à un personnage que j’apprécie (et déjà en train de préparer une dissertation comportant au moins mille raisons de ne pas enfermer Yoran dans un vieux coffre à balancer dans le port de Brest), je me réjouis déjà de lire la suite de ses aventures. 



Remarque importante : bien qu’Exil pour l’enfer soit la suite des aventures de Yoran, il n’est pas obligatoire de lire Armorican Psycho avant d’entamer celui-ci. Je ne peux toutefois que vous conseiller de le faire, rien que pour faire connaissance avec Yoran et son univers breton et vivre une sacrée aventure avec lui. 

Bon, c’est malin… J’ai envie de faire ma demi-valise, d’y jeter mon appareil photo et une parka et d’aller explorer, moi, maintenant ! Sauf que là, c’est compliqué. On va se donc « juste » ouvrir un (autre !) livre pour voyager mais un jour, bientôt peut-être… quelque part en Bretagne, au Pays de Galles, en Allemagne ou ailleurs…

 

Yesterday is nothing but a bad memory

And it’s time to get rid of it eternally

You’re not alone, don’t you worry about it anymore

The night is yours and I wonder what’s you’re waiting for

It can only get better.

 



Exil pour l’enfer est édité chez Nouveaux Auteurs et est notamment disponible chez Club (Belgique), Lalibraire.com,  Leslibrairies indépendantes (Belgique), Fnac BelgiqueKobo(liseuse), Amazon (livre & Kindle), etc.