lundi 26 décembre 2016

L’histoire de… Freedom! ‘90 (George Michael, 1990)


Mince alors… Madame Faucheuse continue à faire ses siennes ! Depuis le début de l’année 2016, elle a décidé que la star, ce serait elle et qu’elle serait partout. Elle a tranché le fil de vie de nombreuses personnes, de tous âges et univers. On pourrait moins s’émouvoir du « départ » de certains en raison de leur âge déjà avancé : Zsa Zsa Gabor, Toots Thielemans, John Glenn, Michel Galabru, George Martin, Jack Davis, Pierre Tchernia, Leonard Cohen, Kenny Baker et tant d’autres ont marqué chacun leur univers – parfois sur plusieurs générations - et leur décès reste néanmoins un petit bout d’histoire qui s’en va.
A l’inverse, David Bowie (le 10/01, 69 ans), Alan Rickman (14/01, 69 ans), Prince (21/04, 57 ans), Anton Yelchin (19/06, 27 ans) et quelques autres étaient sincèrement bien trop jeunes pour aller dire « présent ! » à Saint Pierre. Si tant est qu’il existe un Paradis…

La Faucheuse ne se repose jamais et ne prend jamais de congés : le 24 décembre, le monde apprenait le décès de Rick Parfitt, guitariste de Status Quo. Le lendemain, mon fil Twitter faisait défiler la même info à tout va. Une info qui m’a fait l’effet d’une gifle en plein visage. Un instant, j’ai cru à un méchant hoax parce que… non, trop jeune. Après tout, Santana, Lady Gaga et d’autres – Paul McCartney le premier ! – ont déjà été victimes de ce genre de canular de TRES mauvais goût. Mais… quand la BBC, quand le New York Times, quand les agences de presse Reuters et AP relayent l’information, on sait alors qu’on est au-delà d’une rumeur ridicule…

George Michael est donc mort. A 53 ans.

Sans avoir été fan ultime de George Michael, dire que la jeune ado que j’étais fin des années ’80 n’a pas un tantinet bavé sur un de ses posters serait un mensonge éhonté. Toutefois, une fois mis de côté l’aspect « physique », il y avait bien plus en la personne de George Michael. Oui, OK, il y a eu quelques débordements, certes : une sexualité « débordante » et un usage de drogues de manière régulière. Mais qui est parfait sur cette terre ? Et puis, le mode de vie d’un être humain reste – selon moi et tant qu’il ne nuit pas directement à autrui – une affaire personnelle.

George Michael, c’était aussi une put*** de voix. Parfois douce comme posée sur du velours (Jesus to a Child), parfois pleine de force (Monkey), voire un savant mélange des deux (Freeek) mais toujours agréable à l’oreille.


Le 30 janvier 2009, dans une version précédente de ce blog alors présent sur Facebook sous forme d’un groupe, je postais une chronique sur cet artiste qui a écrit une page du Grand Livre de la Musique, en parlant d’un de ses hits, Freedom.
Absent de la scène et des médias depuis quelques années, George Michael n’avait, en 30 ans de carrière solo, sorti que 6 albums, 2 best-of et un album live. Vendus à plus de… 100 millions d’albums. Qu’on l’ait aimé ou pas, dire que George Michael n’a pas marqué l’Histoire de la Musique serait un peu exagéré, non ?
Ci-dessous, je vous présente cette ancienne chronique. Il s’agit d’une version quasi-inchangée de ce que j’avais écrit à l’époque. Le principe de mes chroniques de l’époque étant une connexion établie entre deux d’entre elles, j’ai toutefois changé quelques parties (mise entre crochets) pour qu’elle reste cohérente.

« Né Georgios-Kyriacos Panayiotou (on comprendra pourquoi il a choisi de se produire avec un nom de scène !), George Michael connaîtra d’abord le succès au sein du groupe Wham! formé en 1981 et dissout en 1986. Les plus jeunes d’entre vous ne s’en souviennent peut-être pas mais Wham! est à l’origine de pas mal de hits que l’on repasse encore aujourd’hui de manière régulière : Wake Me Up Before You Go Go ou Last Christmas, par exemple.

Mais revenons-en à notre chanson: sortie en 1990 et extraite de l’album Listen Without Prejudice, Vol 1, Freedom! ‘90 est l’une des plus longues de George Michael… pas loin de 7 minutes. Si vous vous penchez un peu sur les paroles, vous apprendrez qu’elle parle d’un jeune homme se sentant oppressé par l’image que l’on veut montrer de lui et qu’il veut se libérer de cette même image : il faut savoir que déjà à l’époque de Wham!, un paquet de jeune filles étaient dingues de George et de son physique et, bien entendu, sa compagnie de disques l’encourage vivement à jouer de cette image afin de booster les ventes. Ouais… sauf qu’à la longue, ça lasse et là, pour le coup, George, il en a marre ! Résultat : il veut son indépendance et, en l’occurrence, quitter sa maison de disques. Sauf que ce n’est pas si facile que ça… Il finit par écrire cette chanson afin de mettre en avant ce ras-le-bol…
Et pour bien l’illustrer, il refuse tout d’abord d’apparaître dans la vidéo. Qu’à cela ne tienne, il recrute un ensemble de top-models pour « chanter » la chanson à sa place. Parmi elles, Linda Evangelista, Naomi Campbell, Cindy Crawford, Christy Turlington… [Le réalisateur] illustrera la révolte de George en détruisant quelques symboles lui étant associés : la guitare et le blouson de cuir de l’époque de l’album « Faith »…

Vous savez tous maintenant que l’on a appris que George Michael était homosexuel en 1998, soit 8 ans après la sortie de Freedom (Vous saviez pas ? Heuuuu désolée alors…). Je vous encourage dès lors à vous pencher à nouveau sur les paroles car là soudainement, la chanson prend une toute autre signification et révèle le talent de parolier du britannique. Avec une seule et même chanson, il arrive à faire passer 2 messages séparés : le ras-le-bol de sa maison de disques ET la difficulté d’être idolâtré par des femmes et de devoir ainsi cacher sa vraie « nature ».

Encore une anecdote à propos de cette chanson : vous avez sans doute remarqué que la chanson était suivie d’un 90. Pas besoin d’être un génie pour comprendre qu’il s’agit de l’année de sortie du single mais pourquoi cette rajoute ? Et bien tout simplement afin d’éviter une confusion car Wham! avait déjà sorti un single portant le même titre en 1984.

[partie supprimée]

[Allez une dernière information à propos de Freedom. Je parlais un peu plus haut du réalisateur sans le nommer directement. Ce dernier n’est en effet pas un novice quand il réalise cette vidéo. En 1990, il a déjà à son compte des vidéos pour Sting, Steve Winwood, Paula Abdul et, quelques mois auparavant, il réalisait Vogue, sa troisième vidéo pour Madonna. Devenu depuis réalisateur de long-métrages, il est revenu à ses premières amours en 2013 en réalisant la vidéo Suit & Tie de Justin Timberlake et Jay-Z. Elle lui permettra d’acquérir un second Grammy Award, 18 ans après celui obtenu pour Love Is Strong des Rolling Stones. Suit & Tie lui permettra également de voler le titre de réalisateur le plus récompensé aux MTV Video Music Awards à Spike Jonze. Qui est donc le réalisateur de Freedom ? David Fincher, le « papa » de Seven, Fight Club, Panic Room ou – plus récemment – Gone Girl.]





George Michael n’est plus mais il nous restera quelques bons morceaux… Et un peu plus pour certaines personnes.

Souvenez-vous, en 1991, il enregistre en duo la chanson Don’t Let the Sun Go Down on Me avec Elton John, créateur de celle-ci. Les bénéfices de ce single seront reversés à pas moins d’une dizaine d’actions caritatives.

Il a également participé, l’année suivante, au concert d’hommage à Freddie Mercury, disparu quelques mois auparavant. Aux côtés de Bowie (!), Axl Rose, Elton John, Annie Lennox, Slash, Lisa Stansfield, il interprète notamment une version inoubliable de Someone to Love, méritant le respect.


S’il a fait souvent la une des journaux avec ses déboires, il a su cependant garder certaines choses secrètes. Au lendemain de sa mort, des langues se sont déliées. Oh non, rien de dramatique ou de scandaleux. Non… Tenues au secret du vivant de l’artiste – selon sa propre volonté – plusieurs personnes ont aujourd’hui avoué que George Michael avait discrètement fait des dons à de multiples associations caritatives ou, simplement, aidé des gens dans le besoin.

A une étudiante en soins infirmiers criblée de dettes, il avait offert 5 000£.

A une jeune femme ayant besoin d’argent pour réaliser l’insémination qui lui permettrait de devenir maman, il avait apporté la somme nécessaire.

Il avait acquis le piano de John Lennon, celui sur lequel il avait composé Imagine. Il en avait ensuite fait discrètement don au musée Beatles Story à Liverpool, parce qu’il voulait que le piano revienne sur la terre natale du Beatles. Il y est toujours aujourd’hui.

Tous les bénéfices de son titre Jesus to a Child – chansons écrite à la mémoire d’un de ses amants - avaient été reversés à différentes associations.

Il était également un fréquent donateur de Childline, une association venant en aide aux enfants.

Ce matin, la Présidente de Childline disait ceci :
« Depuis maintenant plusieurs années, il était l’un des plus extraordinaires et généreux philanthropes de notre association mais il était déterminé à ce que sa générosité ne soit pas rendue publique ainsi personne en dehors de notre association ne pourrait savoir à quel point il avait pu donner aux enfants les plus vulnérables de notre nation. Au fil des ans, il nous a donné des millions et nous avions prévu l’an prochain, afin de célébrer notre 30e anniversaire, d’organiser en concert en son hommage, pour son talent artistique, pour son incroyable musicalité mais aussi pour le remercier pour les centaines de milliers d’enfants qu’il a aidé grâce à ses dons. ».

George ne sera donc malheureusement pas là ce jour-là pour recevoir son hommage. Mais nul doute qu’il en a reçu en masse ce jour. A juste titre.

Salut l’artiste !



mardi 20 décembre 2016

Fool for Love – Found 111 (16/12/2016) ENGLISH




Or… ♫♪ Bang bang, my babyyyy… ♫♪ (well… no one was shot but that was close)

Here I am back at the Found 111 for the fourth time. Also the last as the theatre would close its doors the very next day. Although I know good things (sometimes) must come to an end, that closing down didn’t make me jump with joy. But we’ll get back to that later… Let’s talk about tonight’s play.

Fool for Love is a story of passion, of difficult and forbidden love… What ? Romeo and Juliet ? Not even close to it. Tristan and Iseult ? Nope. Oh come on, you wouldn’t want me to break the whole story to you, would you?

Let’s just say that Fool for Love explores the lives of Eddie and May as he comes back to her in her motel room, with May being sure he cheated on her with a woman that’ll remain unseen, named the Countess. As the story evolves, we will find out that there’s more than meets the eye.

The audience will also be a witness of the tension and resentment of both main characters towards each other, through words but also actions as doors are being slammed. Loudly. And repeatedly.

Eddie (Adam Rothenberg) and May (Lydia Wilson)

Written by Sam Shepard, Fool for Love was first performed in 1983 with leading roles then played by Kathy Baker and Ed Harris. Quite amusingly, the latter is in London now, playing at Trafalgar Studios in Buried Child… another Shepard’s piece of work. Today, Eddie and May are played by Adam Rothenberg and Lydia Wilson, who both appeared in the TV show Ripper Street. The two other male characters are brought to life by Joe McGann and Luke Neal.

One thing I’ve quickly noticed was the thick American accent used by the actors. Necessary since the plot takes place on the US soil. Despite not being a fan of the American accent, Rothenberg and Wilson’s voices had a ‘thing’ that caught my attention. Their way of delivering lines had me – at times – literally captivated. Eddie remembering his first encounter with May and May explaining how her mother searched for the old man and confessing her love for Eddie… that was something! During long monologues, I never forget to keep an eye on the silent characters, checking their every reactions but Eddie’s love declaration was so powerful that I completely forgot to observe what was happening around. It was even stronger with May: I was completely immersed in her storytelling… Not to mention that my jaw almost dropped on the black ground as she said the line « blew her brains right out ». Credit has also to be given to Miss Wilson for her facial expressions: some actors deliver lines fine, have the right moves but theatre is a living thing, an expression of feelings and some actors are very good on that matter. She is one of them.



Joe McGann’s character, that old man by whom all the drama happens, is a quiet, almost silent - and yet strong – presence throughout the play. He is the voice of what you may call the story’s conscience, a guide maybe… at least, until his life choices’ consequences are revealed to him.

The old man (Joe McGann)

Luke Neal’s character brings a little relief in the tense, violent exchanges of May and Eddie. His dialogues with Eddie are a contrast with Eddie and May’s that help the audience recovering from the wildness of the lovers’ hate/love relationship.

Eddie and Martin (Luke Neal)

My Fool for Love textbook mentions that “this play is to be performed relentlessly without a break”. I’ve read here and there that some thought it’d have been more enjoyable if it was a little bit longer but in the end, I prefer one short good hour than 180 long minutes of pure boredom. This hour was a great one, with an interesting story provided by a great cast on a pleasant stage.

Speaking of that, staging has always been one of Found111’s best assets. The place is so small, the room is so low that once you put your feet in it, you know you won’t miss a single thing. It is though a constant challenge for the designer-in-charge. Ben Stones had me at hello for his impeccable work on The Dazzle but I was curious about what surprises he had in store for this production. Once I entered the room, I immediately noticed the black shiny charcoal-like matter spread on the floor. Once seated – front row, facing the stage – I realized that good old pillar in the center was still there. Most likely because it is actually a bearing pillar of the former Central St Martins School of Art. Looking around, it seemed to me the room looked a little larger than before. Is it me forgetting things or did Stones decide that since it was the final production, he may as well break a few walls? At the back of the room, silent… the old man, waiting for the audience to sit.

The stage is not only a challenge for the designer but also for the director and his cast. Moving on such a small place force the actors to be much aware of their environment. Including the audience seated on a chair at barely a few feet away. In this case, Adam Rothenberg had his hands full: not throwing a chair at someone in the first row or throwing a lasso to someone’s face, for example. Once again, Simon Evans deserves a shout-out for his directorial talent: in a limited space, he has managed to work his magic in a way that many directors couldn’t probably do. Therefore I’m eager to discover The Resistible Rise of Arturo Ui at the Donmar Warehouse in April 2017! Eurostar, hotel room and ticket are already booked!

"Where's my scalpel? Erm.. my lasso!" (Yes that's a Ripper Street reference)

One final word about the technical side of Fool for Love… the lights. Most of the time not noticed, often underrated, lighting is an aspect of theatre – as well as concerts – that cannot be taken… erm… « lightly ». Many times I’ve told myself I had a good time thanks to perfect and beautiful lights that put the band/artist under the spot… light (Damn ! Again !). It was difficult not to notice Elliott Griggs’ work on Fool for Love : neons here and there, lights coming from the back of the stage – turning the characters into shadowy figures – or May’s departure in a blast of light… loved it !



After the performance, as you get out of the room, you can’t help but take a look again at the corners of the room between the stage and the bar. Those who have been regulars are very much aware that the posters, the pieces of programs on the walls are from previous productions. They may even realize that the big panels on those walls are the very same who were displayed right above the front entrance of the building as they were played. They’re here to remind you what happened there. A little magic, maybe?

The Dazzle (10 Dec. '16 - 30 Jan. '17)

Bug (24 March - 14 May)

Leaving the theatre was difficult. I hung around for a good 15 minutes, taking pictures. My way of making sure Found 111 would somehow remain alive. The last time I’ve had that kind of melancholic feeling was in 2009 when my usual record shop closed. Until the very last second, I could simply not take my hands off that counter I spent so many hours on, chatting about music with staff members. Seven years later, it remains one of the biggest losses in my life. Because it was more than a simple building. Because it had a soul.
Those last 12 months have been an amazing experience for the Found 111 casts and teams, I’m sure, but it has also been for its audiences : the proximity you had with the actors, the stage and the action not only made us feeling like being swallowed inside the story itself but also feeling like a small piece of the whole building.
Picking up a story about love, about fools was a fine choice for a final production. Some people may have thought Emily Dobbs was a fool for jumping into such a crazy adventure but she put so much love in it that it worked more than just fine. And with Fool for Love, so close to Found 111’s first production with its story about two brothers with a mental illness who loved each other so much that they remained together ‘til the end, with its nice balance of laughters and sadness, it was a nice way to say goodbye with a bang. Of doors. Of course.

The final door (not be slammed, please)

Naming everyone involved in the Found 111 adventure is impossible. You know some people by their names on a programme but you also know there are many more, working in the dark. But… thanking them is an easy thing. And that’s what I’d like to do here by writing it down. So… thank you all. Found 111 may be gone but everytime I’ll walk on Charing Cross, I’ll sure have a look at what was an unexpected but enjoyable experience as a London addict. Sad to see it gone but looking forward to see 111’s little brother.

One final look in the mirror, one final look at the bar...

Photo credits : © Nat Lecoq and © Marc Brenner (Thank you Jan! ;) )

Links :
Found 111 Twitter : https://twitter.com/found111ldn


dimanche 20 novembre 2016

Saule - L’Eclaircie (2016)

Quelle est la première chose que je fais quand j’ai un nouvel album de Saule entre les mains? « L’écouter ! » me direz-vous. Et bien… non. La première chose que je fais, c’est de lire le titre des chansons, de prendre quelques minutes pour me demander quel titre me « parle » le plus et de faire le pari mental de savoir si c’est celui-là qui sera finalement mon préféré de l’album. Parce qu’avec Saule, rien que les titres des chansons interpellent. Pourquoi ? Parce que c’est toujours difficile de savoir ce qui se cache derrière. Parfois, la chanson est fidèle aux mots énoncés dans le titre et la rythmique est telle que l’on imaginait mais parfois aussi, on a de jolies surprises…
Pour Géant, mon titre préféré était L’Economie des Mots, que j’imaginais paisible et comme une forme de déclaration d’amour vers une amoureuse. Et… j’étais complètement (presque) à côté de la plaque autant pour le sujet que le tempo…  Au final, c’est Vieux qui aura et a encore les faveurs de mon cœur musical. Ici, si L.C. (Elle sait) pourrait me plaire, je pense que Quand les Hommes Pleurent pourrait devenir ma nouvelle Saule number one. Vérification en fin d’article !

L’Eclaircie comm…ence avec Comme, également 1er extrait de l’album sorti fin août, histoire de mettre l’eau à la bouche des fans avant la sortie de l’album. Le morceau donne le ton dès les premières notes. Ce son, c’est bien du Saule : l’adorable géant est bel et bien de retour !  Dès la fin du premier couplet, plus de doute possible non plus, le savant des mots qu’il est joue encore sur la beauté de la langue française. Il continue aussi à observer le monde qui l’entoure avec un regard affuté et pose le tout sur papier pour tourner l'ensemble non pas en ridicule mais en belles ritournelles.



Le clip a, lui, pris un peu plus de temps pour arriver jusqu’à nous. Sorti fin octobre, certains Valeureux Liégeois y reconnaitront quelques lieux typiques. En effet, après la venue de Stromae dans le théâtre désaffecté Jeusette à Ougrée, c’est au tour de Saule de venir poser ses caméras dans la Cité Ardente. On l’y voit notamment - bien accompagné - dans l’ancienne piscine du Boulevard de la Sauvenière, installée entre l’actuelle salle de concert Reflektor et le cinéma Sauvenière. Désormais appelée La Cité Miroir, la piscine est devenu un lieu au service de l’éducation, de la citoyenneté, de la mémoire et du dialogue des cultures. Un lieu superbe et tout à fait raccord avec l’ambiance teintée de bleu (de bleu pas de blues, hein ! Comme la couverture de l’album, mes gens !) du clip où seuls Saule et deux personnages refusent de se conformer à cet univers très « schtroumpfien ». Tiens d’ailleurs… Saule, d’accord mais… pourquoi ces deux-là aussi ? Et bien probablement parce que Julien « CowBoy » Gugel et Franck « SailorShirt » Marco font partie intégrante de l’univers de Saule. Si, si… allez revoir quelques clips live de l’artiste et vous ne manquerez pas de les apercevoir aux postes de guitariste et batteur… Mais si… voyez plutôt.



Un tantinet disco, mais incontestablement dance, Respire donne envie de bouger les fesses de ton canapé et de te prendre pour John Travolta. Ou Olivia Newton-John. Mais ça, c’est toi qui vois, ami lecteur. De toute façon, tu n’as rien à perdre et tu pourras récupérer de ta folle séance de danse sur Delove Song, morceau un peu plus calme que le précédent. Enfin… là, John et Olivia sont un peu moins « in love » et rien ne va plus dans leur couple!

Arrive L’Eclaircie, chanson-titre de l’album… L’été est déjà loin dernière nous et pourtant le titre sent bon la chaleur de la belle saison. La mélodie persistante de la guitare électrique associée aux chœurs me rappelle quelque chose, quelqu’un… et je sais que j’apprécie ce « quelqu’un ». Ce n’est finalement qu’en fin de chanson que je me rends compte que je pensais aux Imagine Dragons. Mis à part une rythmique plus lente que celle du groupe de Las Vegas, la structure musicale de l’Eclaircie me rappelle certains de leurs morceaux… Et là, je me dis que si un jour Saule et Dan Reynolds, le chanteur des Dragons, venaient un jour à se croiser, leur sens commun de la joie de vivre et leur côté sympa seraient particulièrement intéressant et pourraient donner un joli résultat musical!

Il y a des cordes à l’intérieur de nous, des cordes qui font vibrer, qui font sourire, qui peuvent faire mal aussi… Je Reviens, sa mélodie, sa rythmique, c’était frôler la corde pour faire sortir ce qui était gardé en-dedans depuis un moment… En effet, depuis plusieurs mois - même si la plupart du temps mon entourage m’a vu sourire ou être aussi « clown » que d’habitude - je ne peux pas dire que j’aie vécu la plus belle partie de ma vie. Des moments difficiles - comme tout le monde en connait, bien sûr - des moments où on se doit de rester fort mais des instants aussi où on se sent démuni et impuissant… « A cette vie dans laquelle on colle les bons moments sans les bémols ». La première écoute de Je Reviens, la montée en puissance vocale de M’sieur Saule sur le morceau ont touché ma corde « bémol », cette corde au nœud si serré depuis trop longtemps qu’une volée de larmes inattendues sont venus dénouer pour faire un peu de bien… On ne le dira jamais assez : la musique restera toujours la meilleure des thérapies et la meilleure solution pour laisser momentanément de côté tout ce qui nous trouble l’esprit et/ou le cœur.

L.C (Elle sait) a elle aussi une puissance rare… celle de raconter une histoire dans laquelle chaque femme, chaque homme peut se retrouver. Si Saule a le don de procurer à son public des mélodies qui donnent immédiatement envie de sourire, il sait aussi se servir habilement des notes de musique pour accentuer la gravité de ses mots. L’arrangement des cordes, la montée dramatique de la musique font de L.C. (Elle sait) un pur bijou à savourer sans modération. Le sujet ? A vous de le découvrir…

Changement de rythme avec Quand des Hommes Pleurent ! Saule sort la grosse artillerie pour nous parler des hommes… Les hommes viennent de Mars et les femmes de Venus ? Peut-être pas… Au fond, nous sommes tous pareils : des êtres humains remplis d’émotions qui ne demandent qu’à sortir. Nous sommes aussi des êtres qu’un changement perturbe vite, qui se posent un nombre incalculable de questions avant de réaliser que finalement, pourquoi pas reprendre le cours d’une Vie Ô Combien similaire à tant d’autres ?

La Femme Fantôme, c’est l’illustration parfaite de la chanson paradoxale selon Saule : un morceau où le thème abordé est triste mais où tu ne peux pas t’empêcher de sourire en oscillant la tête de gauche à droite tout bonnement parce que c’est une mélodie qui te dicte ton attitude…

On Part et Et Pourtant Je Marche affichent également une belle complémentarité : ton léger, Saule nous emmène avec lui dans ses aventures. Et on n’hésite pas, on prend sa main et on part en balade… On aura des coups durs ? Certes mais… qu’à cela ne tienne, on s’en sortira toujours. « On part » à deux, à trois, à quatre et on « marche » tous ensemble. Même direction, mêmes envies, mêmes buts… et on va certainement s’plaire !

Vous pensez que je ne vous laisse aucune surprise à vous avoir ainsi dévoilé les morceaux du nouvel opus de Saule ? Non, non… Parce qu’un article n’évoque rien : ce ne sont que de simples mots posés sur papier qui ne révèlent pas l’essence même d’une chanson, qui ne dictent pas ce que l’on a à ressentir à l’écoute des morceaux. C’est à toi, ami lecteur (oui oui TOI !), de te lancer à pieds joints dans L’Eclaircie et de te faire ta propre opinion !

Géant, le précédent opus de Saule, était produit par Charlie Winston. Et comme le monde est petit et qu’il est aussi teinté de belles connivences/connexions, il est possible que l’amitié qui lie Saule et Charlie ait peut-être déterminé l’arrivée de Mark Plati dans la naissance de L’Eclaircie. Ce dernier a en effet produit, en 2009, Hobo, l’album de Winston. Mais… pas uniquement. Quand on se penche sur le travail du producteur, on se rend compte que Saule n’a pas fait appel à n’importe qui pour son nouveau bébé. La Belgique n’est pas étrangère à Plati puisqu’il a travaillé avec Hooverphonic (Blue Wonder Power Milk) et Puggy (To Win The World et Something You Might Like) mais la discographie de l’américain compte également des collaborations avec The Cure ou encore… David Bowie. Des univers forts différents de celui de Saule… Mais la formule fonctionne ! Plati a apporté ci et là des petites touches qui ne déforment pas l’univers du belge et qui donnent une petite « touch » différente et sympathique. La Femme Fantôme  est un parfait exemple : la coupure rythmique de la chanson interpelle… et séduit ! Saule chante également en partie en anglais sur plusieurs morceaux (La Femme Fantôme, On Part) et s’assure d’un côté plus rock and roll – notamment sur Quand les Hommes Pleurent par exemple – qui n’est pas pour me déplaire du tout !

Saule a choisi de ne pas surfer sur la vague de succès provoquée par Dusty Men, a pris le temps avant de sortir un nouvel album, a travaillé sur d’autres projets (dont la comédie musicale pour enfants Zombie Kids) et a choisi, une fois le moment venu de retourner en studio, de donner libre cours à ses envies. Des artistes tels que les frangins Hanson se sont détachés des exigences et de la pression des maisons de disques et autoproduisent encore aujourd’hui d’excellents albums. Linkin Park, Kasabian ou Adele prennent du temps entre chaque album et nous reviennent généralement avec du bonheur auditif. La triste contrepartie pour le fan est qu’il doit attendre, atteeeeeendre… mais quand le résultat est à la hauteur des espérances, ces longs mois d’attente s’envolent comme une feuille bousculée par un vent d’automne. Qu’en est-il de L’Eclaircie ? Le résultat est-il là ? Et bien…

Je disais plus haut que de nombreuses émotions se sont bousculées dans ma tête au cours des derniers mois suite à une expérience douloureuse…
Et pourtant, ce 18 novembre, un petit bout de femme m’a dit quelque chose que je n’attendais pas et a rallumé ce ptit truc que je ne m’étais pas autorisé depuis un bon moment. Un ptit truc qu’on appelle « espoir ». Et a ainsi amené une éclaircie dans un ciel jusque-là souvent assombri…
Depuis ce même 18 novembre, un grand bout d’homme dit plein de choses dans un album que j’attendais depuis quatre ans et a su garder, comme à son habitude, une beauté des mélodies et des mots qui me plaisent depuis un bon moment. Un ptit truc qui fait qu’on se sent mieux. L’Eclaircie ? Tu n’aurais pas pu mieux nommer ton album, M’sieur Saule.

Revenons à la question de début d’article… quelle chanson de L’Eclaircie est ma « number one » ? L.C. (Elle sait) ? Quand les Hommes Pleurent ? Et bien… Au bout de cinq heures d’écoute d’affilée de L’Eclaircie (si, si… c’est possible !), je ne sais toujours pas déterminer laquelle des douze chansons est ma favorite. Encore une fois, Saule nous offre un superbe album où chaque titre a son charme propre. Mon morceau préféré finira peut-être par se révéler plus tard mais par contre, au moment où la dernière note de la flûte a retenti en fin d’album, j’affichais un large sourire. Parce que de nos jours, cela devient rare de trouver un album où chaque morceau plaît. Et Saule a réussi le pari de me faire ce coup-là. Encore une fois. Deux albums d’affilée !

Les dernières paroles de l’album sont « Sans plus savoir où tu seras demain, sans plus savoir quand le voyage prend fin. Nulle part chez moi, nulle part chez moi… » Cher Saule, encore une fois, tu ne m’as pas déçu. Et pour ça, pour toutes ces belles notes et jolis mots, je souhaite que demain (et même pour bieeeen plus longtemps), tu sois encore là, guitare à la main tout sourire et accompagnés de tes compagnons de scène. Je souhaite que mon voyage avec toi ne s’arrête pas parce qu’il en vaut teeellement la peine. Parce que ton « chez moi », ça pourrait être tout bonnement chez tous ces gens que tu vas toucher avec ce nouvel album, une suite tellement réussie à Géant. Et… break a leg, baby !

Evidemment, puisque l’album vient de sortir, j’ai peu de vidéos l’illustrant à vous proposer. Toutefois, Saule et son band ont participé récemment à l’émission D6bels On Stage. Je vous laisse donc, cher lecteur, profiter de quelques morceaux de ce nouvel opus en version live. Il vous suffit de cliquer ici.

Pour rappel, j’avais déjà écrit un avis sur un autre album de Saule ici




Tracklist :

Comme
Respire (Breathe)
Delove Song
L’Eclaircie
Je Reviens
L.C. (Elle Sait)
Quand les Hommes Pleurent
Ô Combien
La Femme Fantôme
On Part
Et Pourtant Je Marche
Nulle Part Chez Moi

mercredi 27 juillet 2016

Bye bye Jack… ou la fin d’une époque de la BD américaine

Ce 27 juillet 2016, Twitter m’apprenait la nouvelle. Jack Davis n’est plus. Lui, ainsi que Johnny Craig, Wally Wood, Jack Kamen, Al Williamson, Will Elder ou encore Al Feldstein et Bill Gaines sont ceux qui sont en partie responsables de ma passion pour les comics et l’horreur…  Ils ont tous fait partie, dans les années 50, du label EC Comics, créé par Max Gaines (le papa du précédent) et dont les bandes dessinées étaient centrées sur des thèmes tels que la science-fiction, les thrillers, l’horreur… The Haunt of Fear, The Vault of Horror, Shock SuspenStories ou encore The Tales from the Crypt (connu chez nous sous « Les Contes de la Crypte »), c’étaient eux ! 


Quelques exemples de comics EC
 
Pour l’époque, des bandes dessinées de ce type – tout comme la série The Addams Family – c’était un sacré dépoussiérage dans l’univers américain bien calé/coincé. C’est aussi ce qui les « tuera ». Car les années 50, c’est aussi le McCarthysme… Au départ, les actions du sénateur Joseph McCarthy consistaient à traquer des sympathisants communistes pour maintenir la sécurité aux Etats-Unis. McCarthy était doté également du puritanisme le plus abject : son homophobie était telle qu’il s’en est servi sans limite pour évincer des personnes d’emploi, poussant certains au suicide en les culpabilisant sur leur « état », considéré comme une menace pour les Etats-Unis.
Au final, McCarthy aura instauré un climat de paranoïa et de terreur sur le territoire de l’Oncle Sam, poussant des génies tels que Charlie Chaplin, Orson Welles, Bertold Brecht à fuir le pays.

Orson : Tu penses pas qu'on devrait s'en aller, là, des fois?
Charlie : Oooh que oui sinon, on va mal finir si on reste...

Lui et ses sbires se sont également attaqués à l’univers de la bande dessinée, accusée de corrompre la jeunesse américaine et de pousser à la délinquance. Evidemment, bien que déjà hautement critiquée avant son arrivée au pouvoir, des histoires d’horreur ne pouvaient que se retrouver dans la ligne de mire du politicien… et d’autres. En effet, le McCarthysme faisait son bout de chemin et touchait également professeurs, ecclésiastiques, psychologues et malheureusement, parents.
Les éditeurs de comics ne se sont pas laissés faire et ont bien tenté de vaincre ce système de censure pour maintenir l’expression artistique qu’est la bande dessinée. En avril et juin 1954, William Gaines sera convoqué devant une commission d’éthique fédérale pour répondre d’une couverture d’un Crime SuspenStories.

Commission d'enquête : on y voit clairement 3 comics de chez EC...
Interrogé par un sénateur quant aux risques de dépravation sur la jeunesse, voici ce que Gaines avait à en dire :
-      Chief Beaser : vous pensez donc qu’aucun enfant ne peut, en aucun cas ou manière, être blessé par ce qu’il peut lire ou voir ?
-      William Gaines : je ne pense pas, non.
-      Beaser : Il n’y aurait donc aucune limite à ce que vous mettriez dans vis magazines ?
-      Gaines : rien qui ne dépasse les limites du bon goût
-      Sen. Kefauver : voici votre édition de mai. Cela semble être un homme avec une hache ensanglantée, tenant une tête de femme qui a été coupée du reste de son corps. Vous pensez que c’est du bon goût ?
-      Gaines : oui, monsieur. Pour la couverture d’un comics d’horreur. Une couverture de mauvais goût aurait été, par exemple,  de tenir la tête un peu plus haut pour que l’on voit du sang en sortir et que l’on recule le corps pour en voir le cou ensanglanté.

LA couverture scandale!

Quoi que l’on en pense, les éditeurs et dessinateurs de comics connaissaient les limites à ne pas dépasser. Sauf que dans ce cas-là, la censure opérait déjà chez eux puisque Johnny Craig, l’auteur de ladite couverture, avait inclus dans sa première ébauche les fameux éléments de « mauvais goût » cité par Gaines à la Commission… La fin était déjà en marche pour bon nombre de bandes dessinées…

A peine 5 ans après leur naissance, bon nombre de comics de chez EC et d’autres maisons d’éditions vont ainsi mourir, par étroitesse d’esprit et peur irrationnelle. Jetés à la poubelle, BRULES ! Faut-il que le cerveau des parents, des psychologues et autres détracteurs ait été tellement lavés pour bien vouloir y voir tout le bien de leurs enfants mais pas un épisode tristement célèbre dans l’histoire de la Seconde guerre mondiale qui y ressemble tellement ? En quoi McCarthy était-il finalement différent des sbires du nazisme… Mais tout ceci n’est qu’une réflexion toute personnelle. Toutefois, je tiens à préciser que j’ai été nourrie dès le biberon au cinéma, aux BDs, au séries d’horreur et n’en suis pas pour autant devenue une délinquante ou développé une obsession pour la mort et rêvé de tuer tout qui se trouve sur mon passage ! Quand on est bien entouré (et éduqué !), on est capable d’apprendre à discerner le monde réel de celui d’un livre ou d’une bande dessinée…

Remake d'un sale épisode de l'Histoire...

Cela dit… si le passage des EC comics sur la planète a été bref, leur influence a été majeure sur le public mais également sur de nombreux jeunes qui sont devenus à leur tour des artistes de comics (Alan Moore, Frank Miller…), sur des réalisateurs (Romero, Carpenter…) ou sur des auteurs (Stephen King, par exemple). Mad est un autre magazine d’EC qui résiste depuis 1952 – notamment aux attaques en justice de gens ayant niveau de sens de l’humour plutôt bas -  puisqu’il est  encore édité aujourd’hui. Egalement célèbre pour son côté satirique, Jack Davis en a été l’un des dessinateurs et les références en son nom sont plutôt nombreuses chez la plus célèbre famille déjantée de Springfield, les Simpsons. Quelque part, Mad est le tonton de Charlie Hebdo…



Les défunts comics d’EC font désormais partie de la pop-culture américaine et sont des référence solides… Les comics originaux sont aussi des bijoux aujourd’hui recherchés : la 1e édition du 1er  Tales from the Crypt se monnaie à plus de 2000$ tandis que les 5 suivants ne partiront pas vers un nouveau parent à moins de 1000$, le comics à la couverture de « bon goût » vaut aujourd’hui presque 1200$... Rassurez-vous, si vous voulez les découvrir, ils ont été depuis réédités – plusieurs fois - par Russ Cochran. J’ai chez moi l’entièreté des comics Tales from the Crypt, The Haunt of Fear et Vault of Horror et ils sont mon St Graal des BDs : ils ne sortent pas de chez moi, je ne les prête pas et seules mes mains ont le droit de les toucher… parce qu’ils ont, entre autre, fait de moi en partie ce que je suis. Une BD n’est pas qu’une simple BD, c’est un morceau de vie qu’on garde dans le cœur…

Et aujourd’hui, mon cœur est donc meurtri… Jack Davis était le dernier membre de l’équipe EC encore en vie. Bien sûr, à 92 ans, c’est un bel âge pour « partir » mais avec lui s’éteint tout un univers, tout un pan du monde de la bande dessinée américaine.  Heureusement, il nous reste encore leurs histoires, à ces fous furieux qui avaient défié la mentalité bien-pensante de leur époque. Ils avaient « osé »… Z’étaient rock and roll, en fait… Des vrais rebelles avant l’ère du punk.
Merci les gars. Jack, dis bonjour aux autres, , et bonnes retrouvailles avec eux là-haut !

De haut en bas et gauche à droite : Gaines et Felstein, Johnny Craig, Jack Kamen et Wally Wood


Bye bye Jack.. <3




jeudi 10 mars 2016

L'histoire de… "Yesterday" (The Beatles, 1965)



Une nouvelle page de l'histoire des Beatles s'est tournée… George Martin, producteur et "conseiller magique" des quatre de Liverpool s'en est allé rejoindre John, l'autre George et quelques autres qui ont contribué à l'histoire du groupe mythique.

Faisant partie de ces personnes que les médias ont appelé "le cinquième Beatles" avec, notamment, Brian Epstein, Neil Aspinall, Billy Preston, Derek Taylor ou encore, dans une certaine mesure, Eric Clapton, il est effectivement un des responsables du succès de la carrière des Beatles.

Le 13 février 1962, il accepte de rencontrer Brian Epstein, le manager de ce groupe de gamins musiciens refusé récemment par Decca Records. Convaincu par les voix de Lennon et McCartney, il est cependant plus sceptique quant au potentiel musical du groupe. Le duo se revoit quelques mois plus tard et l'enthousiasme du manager est tel que Martin accepte d'offrir un contrat au groupe avant même de les avoir vus ou entendus jouer. L'histoire de ce fameux "contrat" négocié le 9 mai 1962 pourrait d'ailleurs faire lui-même l'objet d'une prochaine chronique à lui seul…

Yesterday fait partie des titres de Help!, cinquième album du groupe, sorti en août 1965. La "vie" de Yesterday ne s'annonçait au départ pas comme un long fleuve tranquille …
La chanson naît un matin quand McCartney cavale vers un piano pour y jouer la mélodie qu'il a entendue dans le rêve qu'il vient de faire. Pas persuadé pour un sou que la création de chansons se fasse de cette façon, il craint de se faire attaquer en justice pour avoir plagié une mélodie déjà entendue que son cerveau lui a renvoyé en rêve. Il teste la mélodie en la jouant à d'autres personnes qui le rassurent en lui disant ne jamais avoir entendu celle-ci auparavant.

Paul continue à travailler la mélodie et son entourage direct découvre le côté ultra-hyper-supra-méga perfectionniste du bassiste. Lors du tournage du film Help!, il travaille constamment la mélodie sur le piano présent sur le plateau au point de rendre Richard Lester, le réalisateur, complètement dingue. Ce dernier éclate dans une colère noire, somme McCartney de finir sa chanson illico-presto sous peine de voir le piano disparaître du lieu de tournage. Finalement, la mouture finale du titre verra le jour en mai 1965 et son titre de travail Scrambled Eggs (œufs brouillés) deviendra le Yesterday que l'on connait aujourd'hui. Là où il fallait quelques heures au tandem McCa-Lennon pour finaliser une chanson, Yesterday volera à Paul un nombre incalculable de journées de son existence. Un comble pour une chanson née durant une nuit noire.

Des heures de persévérance pour arriver à quelque chose dont on est fier ne veulent pas forcément dire que c'est d'office un succès acquis. En effet, quand Paul présente sa chanson aux trois autres Beatles, ils ne sont pas convaincus et ne se "voient" pas jouer la chanson. Le bassiste fera même l'objet de taquineries du trio qui sera fort désolé de ne plus pouvoir ironiser sur le titre provisoire de la chanson une fois que le Yesterday deviendra définitif.
Même s'ils ne sont pas emballés, ils suggèrent à Paul de la chanter en solo. La chanson ne remportera pas pour autant non plus un franc succès auprès des exécutifs de leur maison de disques mais j'y reviendrai plus loin.

Arrive la "touche" George Martin. Celle qui fait que, même si John Lennon l'a parfois dénigré par la suite, on est obligé de reconnaitre que l'apport et les idées du producteur ont donné un "plus" à certains titres du groupe mythique. Il va sortir les Fab Four de leur zone de confort en changeant la line up habituelle : au lieu des quatre instruments classiques du groupe (batterie, basse, guitare et guitare rythmique), il propose à McCartney d'ajouter un quatuor cordes. D'abord effrayé par l'idée, Paul accepte toutefois de faire un essai.

Le 14 juin, à l'aube de ses 23 ans, Paul McCartney enregistre d'abord ses parties voix et guitare, armé d'une Epiphone Texan acoustique (modèle qu'il utilise encore aujourd'hui lors de ses concerts pour la jouer), en deux prises uniquement. Prises directes.
Trois jours plus tard, le quatuor cordes débarque aux Studios Abbey Road pour y enregistrer sa partition et le mixage est effectué le lendemain. Yesterday devient ainsi la première chanson où les Beatles font appel des musiciens extérieurs pour donner une valeur ajoutée à un de leurs titres.

Bien que son auteur-compositeur soit emballé par le résultat final, la chanson va subir de nouveaux coups du sort. En effet, celle-ci semble plus être un projet solo de McCartney qu'un véritable produit des Beatles. Premier souci. Lorsque Martin le signalera à Epstein en lui demandant si le morceau ne doit pas être sorti sous le nom de McCartney, celui-ci réplique gentiment en disant qu'on ne sépare pas les Beatles.
Le style de la chanson diffère également de tout ce que les Beatles ont fait jusque-là. Second souci.
EMI, leur maison de disque anglaise, refuse donc de sortir la chanson en single, de peur de troubler le fan base des Fab Four. La pression se faisant moins sentir de l'autre côté de l'océan, Capitol, leur label américain, sort Yesterday en septembre 1965. Elle explosera quelques records au passage. EMI ne se sent pas pour autant plus en confiance suite au succès outre-Atlantique : Yesterday ne sera disponible en single en Angleterre qu'en… mars 1976, soit presque 10 ans après sa sortie initiale.

Et pourtant…

A ce jour, ce titre est encore aux Etats-Unis la chanson britannique la plus diffusée de tous les temps avec… 7 millions de passage dans les différents médias.
Cinquante ans après sa naissance, Yesterday a permis à McCartney d'engranger à elle seule un peu plus de… 25 millions d'Euros.
Il est également impossible de comptabiliser le nombre d'artistes qui ont repris Yesterday sur scène ou sur un album : Marvin Gaye, Frank Sinatra, Ray Charles, Marianne Faithfull, Elvis Presley ou encore, plus récemment, Adam Levine de Maroon 5 en font partie. Et combien d'autres gens ne l'ont pas chantée ou fredonnée? Des comme vous et moi, par exemple?
Tout comme son propriétaire qui n'oublie jamais de l'inclure dans sa setlist quand il repart sur les routes. Comme par exemple, en juin 2008, chez lui, à Liverpool. Quarante ans plus tard, Paul a un peu changé, sa voix aussi mais… la magie de Yesterday reste complètement intacte. Et le public la "vit" toujours aussi fort.


Finalement… C'est pas mal pour une chanson en laquelle peu de personnes, mis à part "papa Paul" et "Parrain George", ont cru, nan?
Finalement… C'est pas mal non plus pour un enregistrement qui contient une faille sonore, d'ailleurs… Quoi? Pourquoi j'écris ça?
Attendez… Prenez un casque, mettez-le sur vos oreilles et je vous garantis qu'après avoir lu les lignes qui suivent, vous n'écouterez plus jamais Yesterday de la même façon. Lancez la chanson, celle de l'album, en poussant un peu le volume. A la 19e seconde, au moment où McCartney dit believe, entendez-vous ce petit son qui n'a rien à faire là? On ne sait toujours pas s'il s'agissait d'une porte, d'un musicien qui a bougé sur son siège mais on entend clairement un grincement.
Les productions des années soixante n'étaient pas ce qu'elles sont aujourd'hui, c’est-à-dire ultra lisses et hyper travaillées. Elles étaient soignées, certes, mais les techniques et moyens d'enregistrement étaient différents. On retrouve donc parfois, dans certains morceaux de cette époque, des petites failles telles que celle-ci. Et pourtant… à mes yeux, elles donnent aux chansons ce caractère unique et particulier qui me plait tant. Qui les rend si belles. Pour toujours.

Et finalement, George Martin, avec sa casquette de producteur et d'arrangeur en est aussi un peu – bien que malgré lui – responsable. Son apport dans l'univers musical britannique, et pas uniquement celui des Beatles, reste inestimable : preuve en sont ses 6 Grammys et… et oui, une nomination à l'Oscar en 1965 pour son travail sur le film A Hard Day's Night.

Si cette nuit du 8 mai, Paul rêvait peut-être d'une nouvelle mélodie qui pourrait devenir un futur hit, George n'allait pas pouvoir être au rendez-vous le lendemain matin lorsqu'il l’appellerait pour lui dire "Bon, on r'met ça?". Dju… y a des jours où on aimerait bien revenir à… Yesterday.

Dis, George… merci. Et dis bonjour à la bande là-haut.

Et allez, pour finir… Bien que peu appréciée de ses complices musicaux au départ, cela ne les empêchera de finalement trouver leur place au sein de la chanson, en lui donnant encore une nouvelle dimension.