Me voici de retour à Londres. Enfin. Ne vous méprenez pas,
j’adore mon boulot mais parfois, j’ai besoin d’évacuer la pression et Londres
(et la musique!) a toujours été fort utile pour ce faire.
Ce voyage de trois jours a été rempli de
théâtre : Hamlet à l’Almeida et Killer et The Pitchfork Disney, toutes deux au Shoreditch Town Hall.
Shakespeare étant Shakespeare et bien que le célèbre
Hamlet soit interprété par un de mes acteurs favoris (alias Andrew Scott), ces
lignes seront entièrement dévouées aux deux autres. Parce qu’il y a beaucoup de
choses à dire.
Killer et Pitchfork ont des points communs : mis à part d’être jouées
dans le même théâtre, toutes deux sont mises en scène par Jamie Lloyd et
sortent de l’esprit de Philip Ridley, le touche-à-tout britannique (romancier,
poète, scénariste, réalisateur, photographe, auteur de théâtre…). Mais assez
bavardé, parlons de notre première pièce, voulez-vous bien ?
Samedi, 15h, c’est l’heure de… Killer.
Nous sommes invités à marcher dans un couloir pour
entrer dans l’endroit où se joue la pièce. Ou plutôt… dans les caves du
bâtiment. Pas commun. Cela pourrait finalement être une aventure intéressante. Des écouteurs
nous attendent sur des chaises dans une pièce carrée, à peine éclairée. Encore
plus intéressant. Nous sommes maintenant assis, face au mur et… sommes plongés
dans le noir complet ! Et tout commence. Avec une voix. Une voix masculine, celle qui
va nous emmener avec elle dans trois histoires…
« Un
tueur ! C’est ce que je suis. » Voici comment cela commence.
Suis-je inquiète? Naaan,
ce n’est qu’une pièce de théâtre après tout. Eeeuh, tout bien considéré… peut-être pas. Parce que le tueur
est là. Avec moi. Parfois bien trop près, se tenant derrière moi, murmurant
dans mon oreille gauche. Je n’ose même pas me retourner pour voir s’il y a
vraiment quelqu’un derrière mon épaule. Soudainement, j’ai l’impression qu’il
est en face de moi, qu’il me crie dessus. Nous avons tous cette naturelle et
invisible bulle que nous créons autour de nous mais Killer – puisque je ne
connaitrai jamais son nom – l’a fait éclater en mille morceaux. J’ai la chair
de poule, les yeux grands ouverts, des larmes aux yeux : est-ce parce que
je n’ai jamais aussi peu cligné des yeux dans ma vie ou parce que j’ai peur de
sentir une main me taper sur l’épaule ? Je ne le saurai jamais… Ce que je
sais cependant c’est que si mon corps a clairement réagi à la voix des
écouteurs, je n’ai pas pu m’empêcher de faire un lien entre certaines parties
de l’histoire de Killer et le passé ou avec ce dont j’ai peur pour le futur des
Etats-Unis.
Le deuxième acte est plus léger pour ma tension
artérielle et ramène un sourire sur mon visage à des moments bien précis :
notre héros est un majordome fort drôle – sans en être vraiment conscient – qui
prend soin d’une vieille dame, contemplant les habitudes de sa vie. Ensuite…
l’histoire prend un tournant où les bonnes vieilles habitudes ne sont plus
possibles. Je n’ai pas pu m’empêcher de me demander si notre héros n’était pas
enfermé dans un rêve. Ou cinglé. Mais est-ce vraiment important ? Nous sommes avec lui. Assis
dans un étroit couloir. Lorsque nous nous en éloignons, j’ai la chanson Sledgehammer de Peter Gabriel ainsi que
les images des dessins « Scarfiens » de la vidéo d’Another Brick in the Wall de Pink Floyd qui
passent dans ma tête. Ceux d’entre vous qui sont familiers du travail de Ridley
auront tout de suite identifié l’histoire dans laquelle nous étions.
Dernier acte. Nous sommes dans une autre pièce carrée,
de nouveau plongé dans une faible lumière. Instinctivement, nous avons tous mis
notre dos contre le mur… peut-être que le premier acte est encore un peu
présent dans nos mémoires, après tout. A juste titre. J’ai la (mauvaise ?) idée
de retirer mes écouteurs pour quelques secondes. Je n’aurais pas dû. Le son de
la réalité fonctionne tout aussi bien que celui des écouteurs et je recule à
l’arrière de la pièce plus rapidement que la vitesse de la lumière… Toujours
guidé par « la » voix, nous sommes engloutis dans l’histoire d’un
homme et de son animal miraculeux qui sont sans cesse harcelé par un autre
homme. Encore une fois, si vous vivez cette expérience à du 200% - ce qui m’est
arrivé – vous ressentirez d’autant plus facilement les mêmes émotions que le
personnage central…
Ensuite… un visage apparait hors d’un trou, sur ma
droite. Alors la voici! Voici notre voix. Notre ami des animaux. Notre gardien
de personne âgée. Notre… tueur.
Quelle expérience, mes amis ! Trois histoires
différentes, au rythme rapide rapide, des personnages fascinants où nous nous
demandons l’issue qui leur sera réservée et… par la formidable voix de John
MacMillan. Celle qu’il fallait pour le choix de mise en scène de Lloyd. Ce
n’est pas facile d’être remarqué quand l’on n’est pas vu mais ce n’est pas vrai
pour MacMillan. Quelques jours plus tard, sa voix résonne encore dans ma tête.
En plus de la voix de MacMillan, l’usage du son (magique !) binaural était
un choix efficace dans la mise en scène. Bien que cette technique semble
moderne, c’était cette même technique qui a été utilisé pour la première fois
dans le monde musical par Lou Reed lorsqu’il a enregistré Street Hassle en… 1977.
Pour la première mondiale de Killer, c’était un choix
des plus audacieux. Mettre une personne (ou trois, une pour chaque histoire) en
plein milieu des caves du Shoreditch Town Hall, pour nous parler, en nous
regardant droit dans les yeux aurait pu fonctionner. Ou… pas. Laisser le public
utiliser son imagination, jouer avec lui était une façon bien plus intéressante
d’explorer les monologues de Ridley. Si vous avez le bon cadre, la bonne
structure, le bon éclairage, le bon équipement et la bonne personne pour le
boulot/la voix, vous obtiendrez de l’attention. Et ça a fonctionné on ne peut
mieux avec moi.
20h… C’est l’heure de The Pitchfork Disney,
l’histoire d’un frère et d’une sœur, Presley et Haley (George Blagden et Hayley
Squires), vivant dans leur maison, fermé du monde extérieur, ne quittant leur
domicile que pour aller acheter du
chocolat, leur nourriture favorite. Une nuit, Presley aperçoit un jeune homme
dans la rue et, alors que sa sœur dort, il laisse l’étranger – Cosmo – entrer
dans leur monde. Mais était-ce une bonne idée ?
Une fois encore, nous sommes invités à descendre dans
les caves pour entrer dans une pièce tout en longueur, remplie de nombreux
accessoires. Nous sommes invités à nous asseoir sur certains d’entre eux, pour
faire partie de l’histoire, somme toute. La longueur de la pièce pourrait
inquiéter quiconque souhaite avoir la
meilleure place. Pas d’inquiétude : toutes les places sont bonnes parce
que la mise en scène est soigneusement étudiée. Tout au long de l’histoire,
tous les comédiens se déplacent dans la pièce – l’appartement de nos héros – de
façon à ce que tous puissent les voir suffisamment près pendant plusieurs
minutes. Bien sûr, vous devrez les laisser s’éloigner et les partager avec
quelques autres dizaines de personnes. En ce qui me concerne, j’étais assise au
milieu de la pièce, juste à côté d’un seau et d’un robinet. Heureusement, mes
réflexes sont suffisamment bons et j’ai pu attraper mon sac avant que George
Blagden ne trébuche dessus. Croyez-moi, je n’aurais pas pu être aussi proche
d’un comédien que je l’ai été ce soir-là.
Plus tôt dans la journée, j’étais sur le trottoir de
Charing Cross, en face du défunt Found 111. Le jour où le théâtre temporaire a
fermé ses portes, j’ai ressenti un sentiment de tristesse qui a perduré pendant
quelques semaines.
Etrangement, il semble que de nombreuses coïncidences
me ramènent toujours au défunt théâtre. D’abord, Rupert Hands, l’assistant
metteur en scène de Pitchfork,
assurait également ce poste sur Unfaithful,
une des pièces du Found 111. Ensuite, Philip Ridley est un ancien élève de la
Saint Martin’s School of Art – il a commencé l’écriture de The Pitchfork Disney alors qu’il y était encore étudiant – et
l’ancienne école se situait… exactement là où se tenait encore le Found 111 il
y a quelques mois.
The Pitchfork
Disney
m’a rappelé le Found en raison de cette mise en scène spécifique. Je réalise de
plus en plus, maintenant que j’ai vécu quelques expériences théâtre à Londres,
que ces pièces sont celles que j’aime le plus. Parce que vous avez l’impression
de vivre l’action plutôt que de regarder l’action. En tant que personne
dans l’histoire, vous ne pouvez avoir que du respect pour toutes les personnes impliquées
dans le projet. Celles que vous voyez autant que celles qui travaillent dans
l’ombre (!).
Dans l’après-midi, j’ai eu une conversation avec un
enfant de dix ans, lui demandant laquelle des deux pièces il avait préféré. Il
a spontanément pointé son doigt vers mon programme de Killer. Il a une vision nettement plus claire que moi parce que
même aujourd’hui, je ne sais toujours pas choisir une favorite. Il y a
cependant une chose qui ressort de tout ceci : Philip Ridley – en tant
qu’auteur de théâtre – a une nouvelle fan. J’aime son écriture, le rythme de
ses histoires, les cliffhangers, la passion et la violence et l’humour de ses
mots.
Les mots sont un peu comme la musique, ceci dit :
il faut de bons musiciens et un bon chef d’orchestre pour qu’une symphonie
théâtrale fonctionne parfaitement. Et c’est ce que j’ai eu ce 4 mars, dans les
sous-sols du Shoreditch Town Hall.
George Blagden et Hayley Squires jouent avec passion,
qu’ils interagissent l’un avec l’autre ou lorsqu’ils se lancent dans leurs
longs et impressionnants monologues à propos de leur cauchemars, réels ou non.
Bien que les jumeaux soient des adultes, on ressent par moments le côté
enfantin de leur relation et à quel point leur innocence les rend fort
fragiles. Trop fragile pour le monde extérieur qui va les attaquer.
Cosmo – joué par Tom Rhys Harries – est un personnage
flamboyant dont l’énergie électrique a rempli l’appartement dès son entrée dans
celui-ci. Son interaction avec Blagden est captivante : on peut voir que
Presley est définitivement intrigué par le jeune homme mais il a également
trouvé un moyen de toucher Cosmo lorsqu’il s’exprime sur ses peurs profondes.
Les deux personnages ont toutefois montré également un côté amusant de leur
caractère…
Vous pourriez même être séduit par le jeune homme
rayonnant à la veste rouge… sauf lorsqu’il évoque la confiance. Vous sentez à
ce moment-là que l’intrigue est sur le point de prendre une autre tournure et
doutez quant au fait de lui faire confiance…
Et Pitchfork… aaah ce personnage, joué par Seun Shote!
Je ne peux pas vous parler énormément de lui si ce n’est pour vous dire qu’il
vous surprendra VRAIMENT à de nombreux égards. Cause pas beaucoup mais il a un
effet du tonnerre dans la pièce !
Quand on parle mise en scène, Jamie Lloyd est
l’Editors ou le Kasabian du théâtre. A chaque sortie d’un nouvel album de ces
groupes anglais, je ne sais jamais à quoi m’attendre mais ils arrivent toujours
à me garder dans leur camp quoi qu’il arrive. Après trois aventures dans
l’univers du metteur en scène British (Richard
III, The Commitments and Dr Faustus), je suis maintenant certaine
qu’il arrivera toujours à prendre des chemins peu conventionnels pour
surprendre son public. Et bon sang… j’adore ça ! En conséquence, je me
réjouis d’être de retour fin avril pour voir quelle magie il va opérer sur Guards at the Taj.
Les choix de mises en scène de Killer et Pitchfork
étaient différents mais j’ai pris autant de plaisir avec l’un et l’autre. Et
c’est la raison pour laquelle je ne peux que vous encourager à ne pas aller
voir une mais les deux pièces.
Killer
– From February 22nd to April 8th 2017
The
Pitchfork Disney – From January 27th
to March 18th 2017
Photo credits : Matt Humphries (Merci Alex ;) )
Links
:
The Pitchfork Disney: http://shoreditchtownhall.com/theatre-performance/whats-on/event/the-pitchfork-disney
Shoreditch Town Hall website: http://shoreditchtownhall.com/
Shoreditch Town Hall Twitter: https://twitter.com/ShoreditchTH
Jamie Lloyd: https://twitter.com/LloydJamie
George Blagden: https://twitter.com/gblagden
Hayley Squires: https://twitter.com/hayleySsquires
Tom Rhys Harries: https://twitter.com/TomRhysHarries
Matt Humphrey website : www.matthumphreyimages.com
Matt Humphrey Twitter : https://twitter.com/31thirtyone
Matt Humphrey website : www.matthumphreyimages.com
Matt Humphrey Twitter : https://twitter.com/31thirtyone
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