lundi 13 mars 2017

Saule – Reflektor (11/03/2017)


Entre Saule et moi, c’était déjà deux rendez-vous ratés. Lors de son passage à l’Ancienne Belgique en 2013, j’étais clouée au lit, malade, et lorsqu’il a soulevé le Cirque Royal début de l’année, c’est mon boulot qui m’a retenue… Décidément, j’allais finir par croire que – comme pour les Foo Fighters – ça n’allait jamais se faire. Ben… si, finalement. Et juste à côté de chez moi, qui plus est !

Le Reflektor, salle liégeoise qui peut contenir 600 personnes max, a donc accueilli ce 11 mars le grand gaillard de 2 mètres de haut et ses compagnons de scène. Pour quel résultat ? Et bien… il suffit laissez filer vos yeux sur les lignes qui vont suivre pour le savoir.

Saule monte sur scène vers 21h pour y introduire Bini, jeune demoiselle qui assurera sa première partie après avoir séduit le chanteur grâce à une vidéo qu’elle lui avait envoyé. Kickers aux pieds et guitare acoustique en main, la jeune fille nous gratifiera de trois sympathiques chansons. Malgré son jeune âge, elle sait déjà sortir les mots et les notes qu’il faut pour séduire un public. Pas impressionnée pour un sou, elle parle de ruptures, de Twilight (de manière nettement plus séduisante que le film en lui-même) et de sa ville – Liège – avec du cœur. Chouette découverte que Mamselle Bini !



Petite pause avant l’arrivée de Saule. Les notes de Désert résonnent dans la place tandis que le chanteur arrive avec sa guitare par… le fond de la salle, par là même où une demi-heure avant, le public est passé pour savourer un moment musical. Faut dire qu’avec son T-shirt bleu clair (qui rappelle la couleur de fond de la cover de son dernier opus) et ses cheveux en pétard qui rajoutent encore quelques centimètres à ses deux mètres de départ, il est difficile de le rater.

Premier morceau, Saule rejoint ses quatre musicos sur scène… J’ai posé carnet de note, appareil photo et mon mètre soixante à l’étage où j’ai une vue dégagée et comprends enfin ce qu’est l’appareil juste devant moi. Le projecteur diffusera durant de nombreux morceaux des images sur toute la surface de la scène, du plus bel effet.

Saule enchaîne sur la chanson qui est une de mes préférées de L’Eclaircie, Je Reviens. La chanson qui a touché une corde sensible chez moi dès la première écoute envoie du lourd en live aussi. J’attendais d’ailleurs Saule au tournant car vocalement, les envolées sont assez impressionnantes. En studio, on refait la prise. En « vrai », on n’a droit qu’à un essai. Amplement réussi ! Qui plus est, la version live du morceau permet justement d’encore plus apprécier les riffs de guitare du morceau, notamment celui de Bastien lorsque la voix de Saule part du côté des notes aigües.

Enchainement sur Mieux Nous Aimer, extrait de Géant, le précédent album où là encore, le riff de guitare d’intro de la chanson – cette fois joué par Julien, dit « Jug » - est nettement mieux mis en évidence que sur la chanson d’origine. C’est que du bonheur, tout ça. En cours de chanson, Saule invite le public à taper dans les mains et ce dernier suit de bon cœur.  Nous en sommes encore au début du concert mais la foule est déjà bien dans le bain.

Le public continue d’ailleurs à suivre le chanteur belge sur Type Normal et balance les bras de gauche à droite en rythme. Saule aime le contact et n’hésite pas, à plusieurs reprises, à s’adresser à son public : fin de chanson, ses musiciens continuent la musique, Saule attrape le micro, leur demande de s’accroupir au sol et, une fois qu’il leur donner le signal, de sauter et de « détruire le Reflektor ». Nous sommes alors depuis 30 minutes dans le concert et en l’espace de deux minutes, il fait effectivement sauter le public, il le fait chanter comme pas deux et gère même les problèmes techniques finger in the nose.

Mais n’allez pas croire que Saule est un grand malade qui court partout en haranguant la foule. Il sait aussi ménager de beaux moments… comme sur Le Baiser. Bercé par une image de pluie d’étoiles (« des petits points dorés » de la chanson ?), il chante l’amour… La salle est silencieuse, bercée par sa voix et la musique. Elle écoute religieusement une des nombreuses histoires du chanteur… Quel contraste avec l’énergie du précédent morceau !


Le groupe joue ensuite Delove Song, baigné dans un éclairage rouge vif avant d’enchainer sur Comme, dernier morceau en date dont la vidéo a été en partie filmée à quelques mètres de l’endroit où nous sommes. Sa Comme en live est une version légèrement différente de l’album où le chanteur, lors d’un intermède, démontre encore une fois ses impressionnantes capacités vocales dans les notes les plus hautes du spectre vocal.



Saule quitte alors la scène… Jug dit au public de ne pas s’inquiéter et qu’il va revenir. Tout le monde quitte alors la scène. Saule aurait-il un souci ? Du tout… il a changé de chemise et vient nous la montrer. À nouveau en plein milieu de la scène mais accompagné, cette fois, de Jug et de Franck, son batteur, pour Si. Quel trio, ceux-là ! Franck et Jug quittent la… euh non, pas la scène mais la fosse, y laissant Saule. Une voix résonne… Quelqu’un dans la foule lui demande Tête Ailleurs et… le chanteur se prête au jeu de bon cœur et chante ce morceau de son premier album.



Retour sur scène où ses musiciens l’attendaient. Hélène Van Loo, flûtiste, les a rejoints sur scène pour entamer Nulle Part Chez Moi. À l’instar du Baiser, le public écoute avec attention, sans murmures venant perturber la mélodie et les mots. Si l’écoute du morceau bien au chaud chez soi touche, la version live est fracassante. J’en ai ramassé plein la tronche : démarrant en douceur, le morceau va crescendo, Saule tapant sur la caisse et lorsque la dernière note retentit hors de la flûte, les larmes ont coulé. Ces larmes qui font qu’on sait à quel nos bonheurs sont contenus dans des notes de musique et des mots posés sur papier. On ne pleure pas forcément parce qu’on est malheureux, on pleure aussi parce qu’il y a des gens qui font du bien. Saule et ses compagnons de scène savent y faire…


Et ne s’arrêtent pas en aussi bon chemin… Pour La Femme Fantôme, autre morceau du dernier album dont je suis fan, le groupe est plongé dans une ambiance bleutée. Sébastien, dit « Boub », caché à l’arrière de la scène, officie au piano tandis que Franck Marco a quitté sa batterie et est à l’avant pour accompagner ses potes à la caisse. La Femme Fantôme étant dotée d’un changement de rythmique en plein milieu, il devra cependant cavaler jusqu’à sa batterie pour assurer la fin de la chanson. Même pas peur !

Même chose pour Bastien. Au cours de LC (Elle Sait), il joue pas moins de trois instruments au cours du même morceau. Bercée par le riff de guitare de Jug, la chanson est tout aussi vibrante que dans sa version album… « Blanche, dans mes nuits blanches… », Saule, guitare tout aussi blanche que les nuits qu’il chante, nous emporte, nous emmène… le Reflektor vibre, troublé… Et moi, comme à chaque fois, je craque sur une belle… blanche. Gretsch. Son nom est Gretsch.


Le groupe enchaine avec l’excellente Et Pourtant Je Marche où Saule demande l’aide de son public pour les « wo oh » de la chanson, suivi de Personne.

Avant de lancer la chanson suivante, Saule se retourne vers son guitariste et lui demande d’envoyer un « truc genre années nonante, un truc qui sentirait l’esprit adolescent ». Jug lui répond que pour lui, l’adolescence, c’est Elvis. Qu’à cela ne tienne, les Liégeois feront un pogo sur Elvis au son de la guitare de Jug, avant de savourer L’Inventaire en tapant des mains comme un seul homme.

Quel beau moment que Chanteur Bio ! J’avais parlé dans la chronique de l’album Géant du fun que cela devait être de jouer ce morceau en live. Maintenant que je la vis, je ne m’étais effectivement pas trompée : géant (!) ce morceau ! Elle démontre aussi à quel point Saule écrit des chansons grâce auxquelles il peut aisément faire chanter le public avec lui, que cela soit pour un « nana » ou chanter fort des lettres de l’alphabet. Mais au-delà de la chanson, j’ai surtout apprécié l’alchimie présente sur scène. Pour l’occase, Jug a sorti ce qui – de loin - me semble être une lap steel qui donne un sacré effet à la chanson. Je le vois échanger des regards avec Franck qui est revenu à l’avant-scène. Ce dernier a d’ailleurs un moment gag avec Saule lorsqu’il décide soudainement de se reposer quelques secondes sur l’épaule du chanteur avant de reprendre le morceau. Saule abandonnera d’ailleurs le centre de la scène pour se rapprocher du guitariste et… non. Non, Saule, on ne joue pas de la lap steel avec les dents ! Marrant va ! Bref, on constate aisément que ces trois-là s’entendent plutôt bien. En même temps, cela fait déjà maintenant quelques années qu’ils arpentent les routes et squattent les studios d’enregistrement. Cela créé forcément des liens.


Enchainement sur la chanson que la majorité de la salle attendait, Dusty Men. Charlie Winston n’étant pas avec nous, c’est Jug qui assure le job, avec Saule qui réadapte la chanson puisque pas de chapeau mais… une houppette ! Et le titre marche aussi avec houppette, finalement… Saule appelle le public à l’accompagner et celui-ci s’y prête de bon cœur. Quand même un sacré morceau en live, ça ! Tout comme pour Respire (Breathe) où le chanteur redescendra une dernière fois en plein milieu pour se rapproche de son public.

Sortie de scène eet… rappel, hein ! Melle Van Loo est également de retour avec les cinq garçons – qui taquinent Saule en scandant Baptiste Président ! – pour nous jouer Renonce A Tes Adieux. Ce morceau est le fruit de la collaboration de Saule avec… ses propres fans. Début 2016, Saule sollicite ses fans via sa page Facebook pour des mots, puis des voix, des vidéos... sur une chanson ayant pour thème « Tes Adieux ». Les fans se sont prêtés au jeu et la team Saule a été envahie de vidéos… avec le résultat qui nous est montrés sur scène ce soir. Beau moment !


Et… c’est fini. Ah finalement, non ! Saule revient sur scène, guitare acoustique en main pour nous interpréter L’Opéra, chanson-gag tendresse où l’on ne peut être que fasciné par l’histoire (et la gestuelle) de notre adorable géant. Dernière note… Saule recueille le fruit de ses efforts : debout devant le micro, un large sourire sur le visage, il est applaudi par la salle tout entière. Il remercie le public avant de rappeler ses musiciens, sa « bande de gais lurons » à lui, pour un dernier morceau ensemble.

Durant son séjour en Cité Ardente, Saule a pu explorer toute la spécificité de la « langue » liégeoise : ici, on ne mange pas des boulettes à la liégeoise mais des boulets (et du coup, de s’adapter en nous disant que nous étions… « chauds boulets » ce soir ! :D ). De la même façon, quand il annonce qu’après le concert, le groupe et lui iront faire la fête au carré, la salle le reprend en lui criant « DANS le carré ! » Partageant encore un beau moment de complicité comme on en voit rarement, Saule et son band terminent leur concert de deux heures complètes avec… Saule. Avant de quitter la scène l’un derrière l’autre pour rejoindre les coulisses.


Verdict ? Tout qui me connait un peu sait à quel point les artistes francophones ont fort peu – voire pas du tout - mes faveurs. Principalement parce que, même si les paroles sont fort belles, je ne suis pas séduite musicalement. Mais parfois, il y a des exceptions qui font vaciller les habitudes (et les certitudes). Saule en fait partie depuis quelques années.
Ses albums s’écoutent sans modération, ils font du bien. Mais vivre Saule en concert, c’est encore mieux : le chanteur et son band poussent les chansons encore un peu plus loin et musicalement, c’est un vrai régal. Le Belge s’est entouré d’une équipe de musiciens qui savent y faire, qui savent passer d’un instrument à l’autre sans aucun problème et – qui plus est – avec laquelle il semble plutôt bien se plaire.

Morceaux rythmés enchainés sur douces ballades, certains pourraient se casser les dents sur ce va-et-vient musical en format concert mais Saule arrive sans aucun souci à trouver le juste équilibre. Donc… je m’adresse à vous cher lecteur mais à toi aussi, cher Baptiste (qui est, si vous ne le saviez pas, le vrai prénom de M’sieur Saule). Baptiste, on doit certainement te dire tout le temps que tu es grand… mais là, pour le moment que j’ai vécu ce samedi, j’ai envie d’ajouter quelques lettres et te dire que t’ai trouvé tout bonnement grandIOSE. Tu nous tends la main et on la prend pour te laisser nous emmener dans ton univers, sans aucune méfiance. Et on a bien raison. Tu as le contact facile avec le public, aimes partager, aimes la scène et cela se voit et se ressent. Alors évidemment, quand on est dans la salle, quand on reçoit tant, on s’éclate et on en redemande jusqu’à plus soif. Que ce soit au Reflektor. Ou au carr… DANS le carré ! Reviens quand tu veux, on t’accueillera les bras grands (!) ouverts ! Merci à toi et aux gais lurons !



Pour les autres chroniques « Sauliennes », c’est par ici :
- Album Géant : http://leschroniquesdenatha.blogspot.be/2013/04/saule-geant-2012.html
- Album L’Eclaircie : http://leschroniquesdenatha.blogspot.be/2016/11/saule-leclaircie-2016.html

Setlist :
-         Désert
-          
-         Je Reviens
-         Mieux nous aimer
-         Un Type Normal
-         Le Baiser
-         Delove Song
-         Comme
-         Si
-         Tête ailleurs
-         Nulle part chez moi
-          
-         La Femme Fantôme
-         LC (Elle Sait)
-         Et Pourtant Je Marche
-         Personne
-         L’Inventaire
-         Chanteur bio
-         Dusty Men
-         Respire (Breathe)
-         Tes Adieux
-         L’Opéra
-         Saule

samedi 11 mars 2017

Killer & The Pitchfork Disney – Shoreditch Town Hall (04/03/2017) FRENCH


Me voici de retour à Londres. Enfin. Ne vous méprenez pas, j’adore mon boulot mais parfois, j’ai besoin d’évacuer la pression et Londres (et la musique!) a toujours été fort utile pour ce faire.
Ce voyage de trois jours a été rempli de théâtre : Hamlet à l’Almeida et Killer et The Pitchfork Disney, toutes deux au Shoreditch Town Hall.
Shakespeare étant Shakespeare et bien que le célèbre Hamlet soit interprété par un de mes acteurs favoris (alias Andrew Scott), ces lignes seront entièrement dévouées aux deux autres. Parce qu’il y a beaucoup de choses à dire.

Killer et Pitchfork ont des points communs : mis à part d’être jouées dans le même théâtre, toutes deux sont mises en scène par Jamie Lloyd et sortent de l’esprit de Philip Ridley, le touche-à-tout britannique (romancier, poète, scénariste, réalisateur, photographe, auteur de théâtre…). Mais assez bavardé, parlons de notre première pièce, voulez-vous bien ?

Samedi, 15h, c’est l’heure de… Killer.
Nous sommes invités à marcher dans un couloir pour entrer dans l’endroit où se joue la pièce. Ou plutôt… dans les caves du bâtiment. Pas commun. Cela pourrait finalement être une aventure intéressante. Des écouteurs nous attendent sur des chaises dans une pièce carrée, à peine éclairée. Encore plus intéressant. Nous sommes maintenant assis, face au mur et… sommes plongés dans le noir complet ! Et tout commence. Avec une voix. Une voix masculine, celle qui va nous emmener avec elle dans trois histoires…
« Un tueur ! C’est ce que je suis. » Voici comment cela commence. Suis-je inquiète? Naaan, ce n’est qu’une pièce de théâtre après tout. Eeeuh, tout bien  considéré… peut-être pas. Parce que le tueur est là. Avec moi. Parfois bien trop près, se tenant derrière moi, murmurant dans mon oreille gauche. Je n’ose même pas me retourner pour voir s’il y a vraiment quelqu’un derrière mon épaule. Soudainement, j’ai l’impression qu’il est en face de moi, qu’il me crie dessus. Nous avons tous cette naturelle et invisible bulle que nous créons autour de nous mais Killer – puisque je ne connaitrai jamais son nom – l’a fait éclater en mille morceaux. J’ai la chair de poule, les yeux grands ouverts, des larmes aux yeux : est-ce parce que je n’ai jamais aussi peu cligné des yeux dans ma vie ou parce que j’ai peur de sentir une main me taper sur l’épaule ? Je ne le saurai jamais… Ce que je sais cependant c’est que si mon corps a clairement réagi à la voix des écouteurs, je n’ai pas pu m’empêcher de faire un lien entre certaines parties de l’histoire de Killer et le passé ou avec ce dont j’ai peur pour le futur des Etats-Unis.

Mystères dans les sous-sols du Shoreditch Town HAll...

Le deuxième acte est plus léger pour ma tension artérielle et ramène un sourire sur mon visage à des moments bien précis : notre héros est un majordome fort drôle – sans en être vraiment conscient – qui prend soin d’une vieille dame, contemplant les habitudes de sa vie. Ensuite… l’histoire prend un tournant où les bonnes vieilles habitudes ne sont plus possibles. Je n’ai pas pu m’empêcher de me demander si notre héros n’était pas enfermé dans un rêve. Ou cinglé. Mais est-ce vraiment important ? Nous sommes avec lui. Assis dans un étroit couloir. Lorsque nous nous en éloignons, j’ai la chanson Sledgehammer de Peter Gabriel ainsi que les images des dessins « Scarfiens » de la vidéo d’Another Brick in the Wall de Pink Floyd qui passent dans ma tête. Ceux d’entre vous qui sont familiers du travail de Ridley auront tout de suite identifié l’histoire dans laquelle nous étions.



Dernier acte. Nous sommes dans une autre pièce carrée, de nouveau plongé dans une faible lumière. Instinctivement, nous avons tous mis notre dos contre le mur… peut-être que le premier acte est encore un peu présent dans nos mémoires, après tout. A juste titre. J’ai la (mauvaise ?) idée de retirer mes écouteurs pour quelques secondes. Je n’aurais pas dû. Le son de la réalité fonctionne tout aussi bien que celui des écouteurs et je recule à l’arrière de la pièce plus rapidement que la vitesse de la lumière… Toujours guidé par « la » voix, nous sommes engloutis dans l’histoire d’un homme et de son animal miraculeux qui sont sans cesse harcelé par un autre homme. Encore une fois, si vous vivez cette expérience à du 200% - ce qui m’est arrivé – vous ressentirez d’autant plus facilement les mêmes émotions que le personnage central…
Ensuite… un visage apparait hors d’un trou, sur ma droite. Alors la voici! Voici notre voix. Notre ami des animaux. Notre gardien de personne âgée. Notre… tueur.
Quelle expérience, mes amis ! Trois histoires différentes, au rythme rapide rapide, des personnages fascinants où nous nous demandons l’issue qui leur sera réservée et… par la formidable voix de John MacMillan. Celle qu’il fallait pour le choix de mise en scène de Lloyd. Ce n’est pas facile d’être remarqué quand l’on n’est pas vu mais ce n’est pas vrai pour MacMillan. Quelques jours plus tard, sa voix résonne encore dans ma tête. En plus de la voix de MacMillan, l’usage du son (magique !) binaural était un choix efficace dans la mise en scène. Bien que cette technique semble moderne, c’était cette même technique qui a été utilisé pour la première fois dans le monde musical par Lou Reed lorsqu’il a enregistré Street Hassle en… 1977.

John MacMillan

Pour la première mondiale de Killer, c’était un choix des plus audacieux. Mettre une personne (ou trois, une pour chaque histoire) en plein milieu des caves du Shoreditch Town Hall, pour nous parler, en nous regardant droit dans les yeux aurait pu fonctionner. Ou… pas. Laisser le public utiliser son imagination, jouer avec lui était une façon bien plus intéressante d’explorer les monologues de Ridley. Si vous avez le bon cadre, la bonne structure, le bon éclairage, le bon équipement et la bonne personne pour le boulot/la voix, vous obtiendrez de l’attention. Et ça a fonctionné on ne peut mieux avec moi.

20h… C’est l’heure de The Pitchfork Disney, l’histoire d’un frère et d’une sœur, Presley et Haley (George Blagden et Hayley Squires), vivant dans leur maison, fermé du monde extérieur, ne quittant leur domicile  que pour aller acheter du chocolat, leur nourriture favorite. Une nuit, Presley aperçoit un jeune homme dans la rue et, alors que sa sœur dort, il laisse l’étranger – Cosmo – entrer dans leur monde. Mais était-ce une bonne idée ?

Une fois encore, nous sommes invités à descendre dans les caves pour entrer dans une pièce tout en longueur, remplie de nombreux accessoires. Nous sommes invités à nous asseoir sur certains d’entre eux, pour faire partie de l’histoire, somme toute. La longueur de la pièce pourrait inquiéter quiconque souhaite avoir la meilleure place. Pas d’inquiétude : toutes les places sont bonnes parce que la mise en scène est soigneusement étudiée. Tout au long de l’histoire, tous les comédiens se déplacent dans la pièce – l’appartement de nos héros – de façon à ce que tous puissent les voir suffisamment près pendant plusieurs minutes. Bien sûr, vous devrez les laisser s’éloigner et les partager avec quelques autres dizaines de personnes. En ce qui me concerne, j’étais assise au milieu de la pièce, juste à côté d’un seau et d’un robinet. Heureusement, mes réflexes sont suffisamment bons et j’ai pu attraper mon sac avant que George Blagden ne trébuche dessus. Croyez-moi, je n’aurais pas pu être aussi proche d’un comédien que je l’ai été ce soir-là.

Hayley Squires (Haley)

Plus tôt dans la journée, j’étais sur le trottoir de Charing Cross, en face du défunt Found 111. Le jour où le théâtre temporaire a fermé ses portes, j’ai ressenti un sentiment de tristesse qui a perduré pendant quelques semaines.
Etrangement, il semble que de nombreuses coïncidences me ramènent toujours au défunt théâtre. D’abord, Rupert Hands, l’assistant metteur en scène de Pitchfork, assurait également ce poste sur Unfaithful, une des pièces du Found 111. Ensuite, Philip Ridley est un ancien élève de la Saint Martin’s School of Art – il a commencé l’écriture de The Pitchfork Disney alors qu’il y était encore étudiant – et l’ancienne école se situait… exactement là où se tenait encore le Found 111 il y a quelques mois.

Rupert Hands (gauche) et Jamie Lloyd (droite) sur le plateau de Killer

The Pitchfork Disney m’a rappelé le Found en raison de cette mise en scène spécifique. Je réalise de plus en plus, maintenant que j’ai vécu quelques expériences théâtre à Londres, que ces pièces sont celles que j’aime le plus. Parce que vous avez l’impression de vivre l’action plutôt que de regarder l’action. En tant que personne dans l’histoire, vous ne pouvez avoir que du respect pour toutes les personnes impliquées dans le projet. Celles que vous voyez autant que celles qui travaillent dans l’ombre (!).

Dans l’après-midi, j’ai eu une conversation avec un enfant de dix ans, lui demandant laquelle des deux pièces il avait préféré. Il a spontanément pointé son doigt vers mon programme de Killer. Il a une vision nettement plus claire que moi parce que même aujourd’hui, je ne sais toujours pas choisir une favorite. Il y a cependant une chose qui ressort de tout ceci : Philip Ridley – en tant qu’auteur de théâtre – a une nouvelle fan. J’aime son écriture, le rythme de ses histoires, les cliffhangers, la passion et la violence et l’humour de ses mots.
Les mots sont un peu comme la musique, ceci dit : il faut de bons musiciens et un bon chef d’orchestre pour qu’une symphonie théâtrale fonctionne parfaitement. Et c’est ce que j’ai eu ce 4 mars, dans les sous-sols du Shoreditch Town Hall.

George Blagden et Hayley Squires jouent avec passion, qu’ils interagissent l’un avec l’autre ou lorsqu’ils se lancent dans leurs longs et impressionnants monologues à propos de leur cauchemars, réels ou non. Bien que les jumeaux soient des adultes, on ressent par moments le côté enfantin de leur relation et à quel point leur innocence les rend fort fragiles. Trop fragile pour le monde extérieur qui va les attaquer.

Hayley Squires (Haley) et George Blagden (Presley)

Cosmo – joué par Tom Rhys Harries – est un personnage flamboyant dont l’énergie électrique a rempli l’appartement dès son entrée dans celui-ci. Son interaction avec Blagden est captivante : on peut voir que Presley est définitivement intrigué par le jeune homme mais il a également trouvé un moyen de toucher Cosmo lorsqu’il s’exprime sur ses peurs profondes. Les deux personnages ont toutefois montré également un côté amusant de leur caractère…
Vous pourriez même être séduit par le jeune homme rayonnant à la veste rouge… sauf lorsqu’il évoque la confiance. Vous sentez à ce moment-là que l’intrigue est sur le point de prendre une autre tournure et doutez quant au fait de lui faire confiance…

Tom Rhys Harries (Cosmo)

Et Pitchfork… aaah ce personnage, joué par Seun Shote! Je ne peux pas vous parler énormément de lui si ce n’est pour vous dire qu’il vous surprendra VRAIMENT à de nombreux égards. Cause pas beaucoup mais il a un effet du tonnerre dans la pièce !

Quand on parle mise en scène, Jamie Lloyd est l’Editors ou le Kasabian du théâtre. A chaque sortie d’un nouvel album de ces groupes anglais, je ne sais jamais à quoi m’attendre mais ils arrivent toujours à me garder dans leur camp quoi qu’il arrive. Après trois aventures dans l’univers du metteur en scène British (Richard III, The Commitments and Dr Faustus), je suis maintenant certaine qu’il arrivera toujours à prendre des chemins peu conventionnels pour surprendre son public. Et bon sang… j’adore ça ! En conséquence, je me réjouis d’être de retour fin avril pour voir quelle magie il va opérer sur Guards at the Taj.
Les choix de mises en scène de Killer et Pitchfork étaient différents mais j’ai pris autant de plaisir avec l’un et l’autre. Et c’est la raison pour laquelle je ne peux que vous encourager à ne pas aller voir une mais les deux pièces.

Jamie Lloyd

Killer – From February 22nd to April 8th 2017
The Pitchfork Disney – From January 27th  to March 18th 2017



Photo credits : Matt Humphries (Merci Alex ;) )

Links :
Shoreditch Town Hall website: http://shoreditchtownhall.com/
Shoreditch Town Hall Twitter: https://twitter.com/ShoreditchTH
Tom Rhys Harries: https://twitter.com/TomRhysHarries
Matt Humphrey website : www.matthumphreyimages.com
Matt Humphrey Twitter : https://twitter.com/31thirtyone


mercredi 8 mars 2017

Killer & The Pitchfork Disney – Shoreditch Town Hall (04/03/2017) ENGLISH


So here I am, back in London. At last. Don’t get me wrong, I love my job but sometimes I need to take the pressure off and London (and music!) has always been the best to do so.
This three days trip was filled of theatre vibes: Hamlet at the Almeida and Killer and The Pitchfork Disney, both at Shoreditch Town Hall.
Shakespeare being Shakespeare and even though the famous Hamlet was played by one of my favourite actors (AKA Andrew Scott), these lines are all going to be about the other two. Because there’s plenty of things to say.

Both Killer and Pitchfork share common points: apart from being performed in the same venue, both are directed by Jamie Lloyd and come from the mind of Philip Ridley, the British Jack of all trades (novelist, poet, screenwriter, director, photographer, playwright...) But enough talk, let’s talk about our first play, shall we?

Saturday, 3PM, time for some… Killer.
We are invited to walk across the hallway to enter the theatre. Or… more likely into the building’s basement. Uncommon. This may be an interesting adventure. Headphones are waiting for us on chairs in a dimly-lit square room. Even more interesting. We are now seated, facing the wall when… complete darkness falls! And it begins. With a voice. A man’s voice, the one who will take us with him in three stories…
“A killer! That’s what I am.” This is how it all starts. Am I worried? Naaah, it’s just a play, after all. Erm, well, all things considered… maybe not. Because the killer is here. With me. Sometimes way too close, standing right behind me, softly whispering in my left ear. I don’t even dare turning around to see if there’s really someone behind me. Suddenly, I feel like he’s right in front of me, shouting at me. We all have this invisible and natural bubble we create around us but Killer – as I’ll never know his real name – smashed it in thousand pieces. I have goose bumps, eyes open wide, tears ready to fall: is it because I never blinked less in my entire life or because I am afraid to feel a hand suddenly tapping on my shoulder? I’ll never know… What I know though is that even if my body clearly responded to the voice inside the headphones, I couldn’t help to make a connection between some parts of Killer’s story to past events or to what I do fear for the future of USA.

Mysteries in Shoreditch Town Hall's basements...

Act 2 is much lighter for my blood pressure level and brings back a large smile on my face at specific times: our hero is a funny - not that he’s much aware of it - butler taking care of an old lady, contemplating the habit (boredom?) of his life. Then… the story takes a different turn where old habits are no longer an option. Couldn’t help but wonder if our hero was trapped in a dream. Or crazy. But does it matter in the end? We’re with him in this. Seated in this narrow hallway. As we walk away, I can’t help but have Peter Gabriel’s Sledgehammer song inside my head as well as images of Scarfe’s hammers in Pink Floyd’s Another Brick in the Wall video. Those of you who are familiar with Ridley’s work may now know what story we were in.



Last act. We’re in another square room, again with low lights. Instinctively, all of us put our back to the wall… maybe act one is still a bit present in our minds, after all. As it should be. I have the (bad?) idea of taking my headphones off for a few seconds. Shouldn’t have. The sound of reality works just as fine as the headphones and I’m walking to the back of the room faster than the speed of light… Still guided by “the” voice, we’re swallowed in the story of a man and his miraculous animal that won’t simply be left alone by another man. Once again, if you live this experience by jumping with both feet in it – which I did - you’ll easily feel the way he feels….
Then… a face appears out of a hole, on my right. So here he is. That’s our voice. Our animal friend. Our old lady caretaker. Our… killer.
What an experience, my friends! Three different stories, driven by fast action, fascinating characters with us wondering what’ll happen in the end and… by John MacMillan’s terrific voice work. Just the one needed for Lloyd’s choice of direction. It’s not easy being noticed when you’re not seen but it is NOT true for MacMillan. Days later, his voice still resonates inside my head. In addition of MacMillan’s voice, the use of the magical binaural sound was an effective production choice. Even though this sound technique sounds really modern, it was that very same technique that was used for the first time in music by the late Lou Reed when he recorded Street Hassle in… 1977.

John MacMillan

That surely was a bold choice for the world premiere of Killer. Throwing one person (or three, one for each story) in the middle of the Shoreditch Town Hall basement rooms, talking to us, looking at us straight in the eyes may have worked. Or… not. Letting the audience use its imagination, playing with them was a much interesting way of exploring Ridley’s monologues. If you have the right environment, the right structure, the right lighting, the right equipment and the right man for the job/voice, you’ll get the attention. And it definitely worked fine on me.

8PM… Time for The Pitchfork Disney, the story of siblings Hayley and Presley (Hayley Squires and George Blagden) living in their home, locked away from the outside world, only leaving their apartment to buy chocolate, their favourite food. One night, Presley sees a young man in the street and, while his sister sleeps, he lets the stranger – Cosmo – enter their world. But was it a good idea?

Once again, we are invited to go down in the basement in one lengthy room filled with many props. We are invited to sit on some of them, to be part of the story, sort of. The length of the room could worry anyone who wishes to get the best seat. Do not: all seats are good because the stage direction is carefully organized. Throughout the story, all actors are moving across the room – our heroes’ apartment – in order for anyone to see them close enough for minutes. Sure, you’ll have to let them go and share them with the few other dozen people. As for me, I am seated in the middle of the room, right next to a bucket and a tap. Hopefully, my reflexes are good enough I grabbed my bag before George Blagden could potentially stumble upon it. Trust me, I couldn’t have ever been closer to an actor than I was that evening.

Hayley Squires as Haley


Earlier that day, I was on Charing Cross pavement, in front of the former Found 111. The day the temporary theatre closed its door, I had a sad feeling that remained for a few weeks afterwards.
Weirdly, it seems that a lot of coincidences always bring me back to the now “dead” theatre. First, Rupert Hands, the associate director of Pitchfork Disney, also worked as associate director on Unfaithful, one of Found 111’s productions. Then Philip Ridley is an alumni of Saint Martin’s School of Art – he started writing The Pitchfork Disney while he was still studying there – and the former school building was… where the Found 111 exactly stood a few months ago.

Rupert Hands (left) and Jamie Lloyd (right) on the set of Killer

The Pitchfork Disney reminded me of the Found because of its specific type of staging. I realize more and more, now that I’ve had a few theatre experiences in London, that these are the ones I love the most. Because you feel like being inside the action instead of watching the action. As a person inside this story, you can have only but respect for all people involved in the project. The ones you see as much as the ones working in the shadows (!).

In the afternoon, I had a conversation with a 10 year-old boy, asking him which of both plays was his favourite. He spontaneously pointed at my Killer programme. Well he’s more clear-sighted than I am because today, I still can’t pick my favourite out of the two. There’s one thing though that did come out of all this: Philip Ridley – as a playwright - sure has a new fan now. I love his writing, the pace of his stories, the cliffhangers, the passion and violence and humour of his words.
Words are a lot like music though: it takes good musicians and a good orchestra conductor to make a theatre symphony work fine. And that was something I got on this March 4th in the basements of Shoreditch Town Hall.

George Blagden and Hayley Squires play with passion, whether they’re interacting with each other or doing their long impressive monologues about their nightmares, real or not. Despite the fact the twins are grown-ups, you sense the childish side of their relationship at times and how their innocence makes them so fragile. Too fragile for the outside world that will attack them.

Hayley Squires (Haley) and George Blagden (Presley)

Cosmo – played by Tom Rhys Harries – is a flamboyant character whose electric energy filled the apartment as soon as he entered it. His interaction with Blagden is captivating: you can see Presley’s definitely intrigued by the young boy but he also found a way to touch deeply Cosmo when he tells him about his deepest fear. Both characters also showed us their funny side, though…
You may even fall for the shiny guy in the red jacket… except when trust is evoked.  Then you feel the intrigue is about to take another turn and you’re not sure whether he’s to be trusted or not…

Tom Rhys Harries as Cosmo

And Pitchork… aaaah that character played by Seun Shote! Can’t give you much about that one except that he will DEFINITELY surprise you in many ways. Not much of a talker but he surely brings a strong effectiveness to the play!

When it comes to directing, Jamie Lloyd is the Editors or Kasabian of theatre. Just like when these British bands release new albums, I never know what to expect with each piece of work but they always end up keeping me on their side in the end. After three adventures in the universe of the British director (Richard III, The Commitments and Dr Faustus), I’m now sure that he’ll always manage to take unconventional roads to surprise his audience. And jeez… I love that! Therefore, I can’t wait to be back in late April to see what magic he’ll work out on Guards at the Taj.
The directing choices made for Killer and Pitchfork were both different but I had much fun attending both. Which is why I can only encourage you to see not one but both of them.

Jamie Lloyd on the set of The Pitchfork Disney

Killer – From February 22nd to April 8th 2017
The Pitchfork Disney – From January 27th  to March 18th 2017

Photo credits : Matt Humphrey (Thanks Alex ;) )

Links :
Shoreditch Town Hall website: http://shoreditchtownhall.com/
Shoreditch Town Hall Twitter: https://twitter.com/ShoreditchTH
Tom Rhys Harries: https://twitter.com/TomRhysHarries
Matt Humphrey website : www.matthumphreyimages.com
Matt Humphrey Twitter : https://twitter.com/31thirtyone