Une
nouvelle page de l'histoire des Beatles s'est tournée… George Martin,
producteur et "conseiller magique" des quatre de Liverpool s'en est
allé rejoindre John, l'autre George et quelques autres qui ont contribué à l'histoire
du groupe mythique.
Faisant
partie de ces personnes que les médias ont appelé "le cinquième
Beatles" avec, notamment, Brian Epstein, Neil Aspinall, Billy Preston,
Derek Taylor ou encore, dans une certaine mesure, Eric Clapton, il est
effectivement un des responsables du succès de la carrière des
Beatles.
Le 13
février 1962, il accepte de rencontrer Brian Epstein, le manager de ce groupe
de gamins musiciens refusé récemment par Decca Records. Convaincu par les voix de
Lennon et McCartney, il est cependant plus sceptique quant au potentiel musical
du groupe. Le duo se revoit quelques mois plus tard et l'enthousiasme du
manager est tel que Martin accepte d'offrir un contrat au groupe avant même de
les avoir vus ou entendus jouer. L'histoire de ce fameux "contrat"
négocié le 9 mai 1962 pourrait d'ailleurs faire lui-même l'objet d'une
prochaine chronique à lui seul…
Yesterday fait partie des titres de
Help!, cinquième album du groupe, sorti
en août 1965. La "vie" de Yesterday
ne s'annonçait au départ pas comme un long fleuve tranquille …
La
chanson naît un matin quand McCartney cavale vers un piano pour y jouer la
mélodie qu'il a entendue dans le rêve qu'il vient de faire. Pas persuadé pour un
sou que la création de chansons se fasse de cette façon, il craint de se faire
attaquer en justice pour avoir plagié une mélodie déjà entendue que son cerveau
lui a renvoyé en rêve. Il teste la mélodie en la jouant à d'autres personnes qui
le rassurent en lui disant ne jamais avoir entendu celle-ci auparavant.
Paul
continue à travailler la mélodie et son entourage direct découvre le côté
ultra-hyper-supra-méga perfectionniste du bassiste. Lors du tournage du film Help!, il travaille constamment la
mélodie sur le piano présent sur le plateau au point de rendre Richard Lester,
le réalisateur, complètement dingue. Ce dernier éclate dans une colère noire,
somme McCartney de finir sa chanson illico-presto sous peine de voir le piano disparaître du lieu de tournage. Finalement, la mouture finale du titre verra
le jour en mai 1965 et son titre de travail Scrambled
Eggs (œufs brouillés) deviendra le Yesterday
que l'on connait aujourd'hui. Là où il fallait quelques heures au tandem
McCa-Lennon pour finaliser une chanson, Yesterday
volera à Paul un nombre incalculable de journées de son existence. Un comble
pour une chanson née durant une nuit noire.
Des
heures de persévérance pour arriver à quelque chose dont on est fier ne veulent
pas forcément dire que c'est d'office un succès acquis. En effet, quand Paul
présente sa chanson aux trois autres Beatles, ils ne sont pas convaincus et ne
se "voient" pas jouer la chanson. Le bassiste fera même l'objet de taquineries du trio qui sera fort désolé de ne plus pouvoir ironiser sur le titre
provisoire de la chanson une fois que le Yesterday
deviendra définitif.
Même
s'ils ne sont pas emballés, ils suggèrent à Paul de la chanter en solo. La
chanson ne remportera pas pour autant non plus un franc succès auprès des exécutifs
de leur maison de disques mais j'y reviendrai plus loin.
Arrive
la "touche" George Martin. Celle qui fait que, même si John Lennon
l'a parfois dénigré par la suite, on est obligé de reconnaitre que l'apport et les
idées du producteur ont donné un "plus" à certains titres du groupe
mythique. Il va sortir les Fab Four de leur zone de confort en changeant la
line up habituelle : au lieu des quatre instruments classiques du groupe
(batterie, basse, guitare et guitare rythmique), il propose à McCartney d'ajouter
un quatuor cordes. D'abord effrayé par l'idée, Paul accepte toutefois de faire
un essai.
Le 14
juin, à l'aube de ses 23 ans, Paul McCartney enregistre d'abord ses parties
voix et guitare, armé d'une Epiphone Texan acoustique (modèle qu'il utilise
encore aujourd'hui lors de ses concerts pour la jouer), en deux prises uniquement.
Prises directes.
Trois
jours plus tard, le quatuor cordes débarque aux Studios Abbey Road pour y
enregistrer sa partition et le mixage est effectué le lendemain. Yesterday devient ainsi la première
chanson où les Beatles font appel des musiciens extérieurs pour donner une
valeur ajoutée à un de leurs titres.
Bien
que son auteur-compositeur soit emballé par le résultat final, la chanson va
subir de nouveaux coups du sort. En effet, celle-ci semble plus être un projet
solo de McCartney qu'un véritable produit des Beatles. Premier souci. Lorsque
Martin le signalera à Epstein en lui demandant si le morceau ne doit pas être
sorti sous le nom de McCartney, celui-ci réplique gentiment en disant qu'on ne
sépare pas les Beatles.
Le
style de la chanson diffère également de tout ce que les Beatles ont fait
jusque-là. Second souci.
EMI,
leur maison de disque anglaise, refuse donc de sortir la chanson en single, de
peur de troubler le fan base des Fab Four. La pression se faisant moins sentir
de l'autre côté de l'océan, Capitol, leur label américain, sort Yesterday en septembre 1965. Elle explosera
quelques records au passage. EMI ne se sent pas pour autant plus en confiance suite
au succès outre-Atlantique : Yesterday ne sera disponible en single en
Angleterre qu'en… mars 1976, soit presque 10 ans après sa sortie initiale.
Et
pourtant…
A ce
jour, ce titre est encore aux Etats-Unis la chanson britannique la plus
diffusée de tous les temps avec… 7 millions de passage dans les différents
médias.
Cinquante
ans après sa naissance, Yesterday a
permis à McCartney d'engranger à elle seule un peu plus de… 25 millions
d'Euros.
Il est
également impossible de comptabiliser le nombre d'artistes qui ont repris Yesterday sur scène ou sur un album :
Marvin Gaye, Frank Sinatra, Ray Charles, Marianne Faithfull, Elvis Presley ou
encore, plus récemment, Adam Levine de Maroon 5 en font partie. Et combien
d'autres gens ne l'ont pas chantée ou fredonnée? Des comme vous et moi, par
exemple?
Tout comme
son propriétaire qui n'oublie jamais de l'inclure dans sa setlist quand il
repart sur les routes. Comme par exemple, en juin 2008, chez lui, à Liverpool. Quarante
ans plus tard, Paul a un peu changé, sa voix aussi mais… la magie de Yesterday
reste complètement intacte. Et le public la "vit" toujours aussi
fort.
Finalement…
C'est pas mal pour une chanson en laquelle peu de personnes, mis à part
"papa Paul" et "Parrain George", ont cru, nan?
Finalement…
C'est pas mal non plus pour un enregistrement qui contient une faille sonore,
d'ailleurs… Quoi? Pourquoi j'écris ça?
Attendez…
Prenez un casque, mettez-le sur vos oreilles et je vous garantis qu'après avoir
lu les lignes qui suivent, vous n'écouterez plus jamais Yesterday de la même façon. Lancez la chanson, celle de l'album, en
poussant un peu le volume. A la 19e seconde, au moment où McCartney
dit believe, entendez-vous ce petit
son qui n'a rien à faire là? On ne sait toujours pas s'il s'agissait d'une
porte, d'un musicien qui a bougé sur son siège mais on entend clairement un
grincement.
Les
productions des années soixante n'étaient pas ce qu'elles sont aujourd'hui,
c’est-à-dire ultra lisses et hyper travaillées. Elles étaient soignées, certes,
mais les techniques et moyens d'enregistrement étaient différents. On retrouve
donc parfois, dans certains morceaux de cette époque, des petites failles
telles que celle-ci. Et pourtant… à mes yeux, elles donnent aux chansons ce
caractère unique et particulier qui me plait tant. Qui les rend si belles. Pour
toujours.
Et
finalement, George Martin, avec sa casquette de producteur et d'arrangeur en
est aussi un peu – bien que malgré lui – responsable. Son apport dans l'univers
musical britannique, et pas uniquement celui des Beatles, reste inestimable :
preuve en sont ses 6 Grammys et… et oui, une nomination à l'Oscar en 1965 pour
son travail sur le film A Hard Day's
Night.
Si
cette nuit du 8 mai, Paul rêvait peut-être d'une nouvelle mélodie qui pourrait
devenir un futur hit, George n'allait pas pouvoir être au rendez-vous le lendemain matin lorsqu'il l’appellerait pour lui
dire "Bon, on r'met ça?". Dju… y a des jours où on aimerait bien
revenir à… Yesterday.
Dis,
George… merci. Et dis bonjour à la bande là-haut.
Et
allez, pour finir… Bien que peu appréciée de ses complices musicaux au départ, cela
ne les empêchera de finalement trouver leur place au sein de la chanson, en lui
donnant encore une nouvelle dimension.