Ça fait un sacré bout de temps que je n'ai pas pris la
plume pour écrire un article. Mais… quand ça ne va pas, quand il y a un truc
qui reste calé dans la gorge et/ou dans les tripes, faut que ça sorte à un
moment donné sinon ça tourne, ça tourne… Il y en a qui se défoulent dans les
salles de sport, il y en a qui parlent, il y en a qui écrivent, il y en a qui
font de l'humour, il y en a qui dessinent…
J'sais pas dessiner. Et apparemment, depuis
aujourd'hui, si tu sais pas gribouiller sur des feuilles de papier, t'as plus
de chance de rester en vie.
Et oh, attends… C'est dingue ce que je viens d'écrire
là! Ça n'arrive pas, des choses comme ça.
C'est aussi un peu comme si je te disais que si tu fais
de l'humour qui me plait pas, j'viendrai te l'expliquer à coup de
mitraillettes!
Encore plus dingue! Ça n'arrive pas non plus, des
choses comme ça.
Sauf que. Si. Ça arrive. C'est arrivé. Aujourd'hui. À Paris.
Fin de matinée, on découvre ce qui s'est passé. Attaque
dans les bureaux de Charlie Hebdo. Onze victimes. On ne découvrira que plus
tard le nom de certaines des victimes : Cabu, Charb, Tignous et Wolinski,
dessinateurs et fidèles représentants du magazine satirique français. Sans
oublier d'autres journalistes et employés du journal et deux policiers. Au
moment où j'écris, d'autres sont toujours en train de lutter pour rester en
vie.
Charlie Hebdo fait sourire et amuse ses lecteurs mais
il ne fait pas toujours des heureux non plus. Les politiciens, les militaires,
les têtes couronnées, les fachos, les religieux… y z'y sont tous passés! En
même temps, Charlie Hebdo, c'est un magazine satirique et le rôle de la satire,
c'est de se servir de l'humour pour faire passer un message. On peut rire de
tout. Mais faut avoir le sens de l'humour. J'sais pas pour vous mais ce soir,
j'ai un peu perdu mon sens de l'humour. J'ai pas envie de rire. Pour plein de
raisons.
Les assaillants sont sortis des locaux, armés et
cagoulés, en donnant pour simple explication "Allah akbar" et "Nous
avons vengé le prophète !"
Du coup, ça s'emballe partout : dans les commentaires
des articles sur le web, sur Twitter, sur Facebook… c'est la faute des
islamistes! Y en a même qui font fort en changeant 'juste' un mot dans un titre
: on hésite alors entre un "attentat terroriste" et un "attentat
islamiste"… sans prêter plus d'attention à la portée qu'un 'simple' mot
peut avoir sur une masse de population.
Ensuite vient la théorie du complot : après tout, ce
n'étaient peut-être pas des islamistes… ils auraient bien pu être des
extrémistes qui voulaient mettre "ça" sur le dos des islamistes et
faire monter le climat de tension en France. Re-ça part dans tous les sens…
Tu veux que je te dise, ami lecteur? C'est finalement
assez simple. Qui qu'ils soient, quel que soit leur idéologie religieuse ou
politique, cette barbarie a été commise par des c***ards (oui, oui, j'assume le côté 'cru' du terme) qui, plutôt que de
répondre en prenant une plume ou de tirer la manche d'un journaliste pour lui
expliquer "je suis pas d'accord avec toi, tu sais... on en
discute??", se sont pointés avec des armes, en prenant bien soin de cacher
leurs visages pour tirer sur des personnes qui ont des familles et des proches
ou pour tuer froidement un policier blessé, couché à même le sol, qui lève la
main pour se protéger.
Les journalistes de Charlie Hebdo ne
dessinaient/écrivaient pas à coups de kalachnikovs et masqués... eux! Il faut
reconnaitre qu'ils avaient le courage de leurs opinions, qu'on apprécie ou pas
leur travail.
Islamistes? Extrémistes? ... Peu importe. Des c.o.n.n.a.r.d.s. Point final.
Aujourd'hui, c'est une grosse gifle qu'on a envoyé à
la liberté d'expression. Elle fait partie de nos droits et pourtant, certains
estiment avoir le… "droit" d'empêcher des journalistes de s'exprimer.
D'avoir le "droit" de se venger à cause de… d'une image? D'avoir le
"droit" de tuer, tout simplement. Ils n'avaient pas ce droit. Personne
n'a ce droit.
Le monde n'est pas parfait, certes, mais où va-t-on si
on décide de sortir les armes et d'éliminer tout qui nous contrarie? Tout qui
ne pense pas comme nous ou qui ne nous ressemble pas. Mince, ça me rappelle un
triste épisode de l'Histoire, ça…
Le pire, c'est encore de croire que ça va calmer les
journalistes, leur faire peur. Oui, il y en aura qui vont peut-être réfléchir à
deux fois avant d'écrire leurs lignes ou qui vont regarder leur page autrement
avant de se lancer dans un nouveau dessin… et on ne les blâmera pas. Mais il y
en aura d'autres qui ne plieront pas face à cette "dictature de
l'expression" imposée par deux types encagoulés… et on ne les blâmera pas
non plus. Ils poseront les mains sur le clavier, frotteront le crayon sur la
feuille. Ils dénonceront les injustices. Ils nous feront (sou)rire avec leurs
dessins.
En 2012, à l'occasion de la Journée internationale de
la liberté de la presse, Amnesty International sortait une chanson intitulée
"Toast to Freedom". À ce sujet, la Présidente d'Amnesty International
France, Geneviève Garrigos, disait : "Ce titre fait rimer musique et
droits humains pour un hymne à la liberté. En cette journée particulière de la
liberté de la presse, ce message porté par des artistes de renom fait
écho à toutes les luttes que nous menons pour un monde plus juste". Pour
soutenir cette action, Amnesty s'était entouré notamment de Jane Birkin, Arno, Rosanne
Cash, Marianne Faithfull, Kris Kristofferson, Christophe Willem, Axelle Red ou
encore Ewan McGregor.
Oui, je sais, quand on l'écoute et quand on regarde le
clip, cette chanson tombe absolument dans le stéréotype de la chanson
"bonne action" avec une mélodie classique du genre et le chanteur qui
tient bien son casque tout en plissant les yeux pour se concentrer un max pour
pas se tromper dans l'unique phrase qu'il a à chanter. Mais… dans ces paroles,
finalement, ce soir…
"She’s the greatest power in the universe, Freedom"
(Elle est la plus grande puissance dans l'univers, la liberté)
(Elle est la plus grande puissance dans l'univers, la liberté)
"No prison cell, no censorship hell can claim our obedience and love"
(Aucune cellule, aucune censure infernale ne peut obtenir notre obéissance et amour)
(Aucune cellule, aucune censure infernale ne peut obtenir notre obéissance et amour)
"Here’s to the battlefields for justice of the tortures, banished and enslaved, to the selfless spirit and commitment, to our brothers and sisters in the grave"
(Buvons à la santé des champs de bataille pour rendre justice aux torturés, aux bannis et aux esclaves, aux engagement et à l'esprtit altruiste, à nos frères et soeurs dans la tombe)
(Buvons à la santé des champs de bataille pour rendre justice aux torturés, aux bannis et aux esclaves, aux engagement et à l'esprtit altruiste, à nos frères et soeurs dans la tombe)
Dans ces paroles, finalement, ce soir, il y a un peu
de ces journalistes qui, en faisant leur métier, prennent de grands risques. Il
y a un peu de Charlie Hebdo aussi.
Bref… J'aime pas le sport. J'sais pas parler de tout. J'sais
ptèt même pas faire de l'humour. Et depuis tout à l'heure, j'sais toujours pas mieux
dessiner. J'sais juste écrire. Mais ça les ramènera pas, les victimes.
P..., quand j'y pense, ces sales types m'ont volé une
partie de mon enfance : ils ont tué le Monsieur sympa qui m'amusait dans Récré
A2, celui qui avait fait toute une histoire (et des pochettes de disques) du
nez de Dorothée!
Sauf que Dorothée, quand elle appréciait pas qu'on se
moque d'elle (et de son appendice nasal), elle se contentait d'une tape sur la
tête. Elle sortait pas une kalashnikov, elle.
Je terminerai avec un texte du livre "Peut-on
encore rire de tout", de Cabu, en ayant - au moment de taper le point
final de cet article - une pensée pour
lui et ses compagnons d'aventure, ainsi que pour les victimes…
"Peut-on encore rire de tout ? Et pourra-t-on
encore demain rire de tout ? Ces questions méritent d'être posées... […]
Pas de limite à l'humour qui est au service de la
liberté d'expression, car, là où l'humour s'arrête, bien souvent, la place est
laissée à la censure ou à l'autocensure.
Ni les religions et leurs intégristes, ni les idéologies
et leurs militants, ni les bien-pensants et leurs préjugés ne doivent pouvoir
entraver le droit à la caricature, fût-elle excessive".
Tu étais Charlie, Cabu. Comme Charb. Comme Wolinski. Comme Tignous. Je suis Charlie. Ce soir, on est tous des Charlie... Mais on ne le sera jamais aussi bien que vous parce que finalement, Charlie Hebdo, c'était votre bébé à vous. C'est pas drôle d'être orphelin quand on avait des parents sympas.
Update : vous croyez que deux semaines plus tard, ça va mieux? Faut voir... j'en parle ici.
Tu étais Charlie, Cabu. Comme Charb. Comme Wolinski. Comme Tignous. Je suis Charlie. Ce soir, on est tous des Charlie... Mais on ne le sera jamais aussi bien que vous parce que finalement, Charlie Hebdo, c'était votre bébé à vous. C'est pas drôle d'être orphelin quand on avait des parents sympas.
Update : vous croyez que deux semaines plus tard, ça va mieux? Faut voir... j'en parle ici.
Je reste bouche bée.
RépondreSupprimerIdem, ça fait vraiment bizarre d'imaginer ce bon vieux dessinateurs de "Dorothée" qui se fait buter ainsi. (C'est le souvenir de gosse qui parle là).
Puis, choquée de voir comment le monde tourne.
Oui je hais les amalgames et les généralités...