Ça fait
deux semaines demain que "ça" s'est passé. Vous savez... ça.
On connait
aujourd'hui les noms des nombreuses victimes "Charlienne", désormais
tous enterrés selon leurs convictions personnelles…
Dès le
lendemain du drame, on a su que l'équipe de Charlie n'allait pas
baisser les bras et continuer l'aventure. Le même jour, un autre c.o.n.n.a.r.d
faisait aussi son malin avec une arme tandis qu'on recherchait toujours les
deux. On dit que les trois hommes se connaissaient, que les deux attaques sont
liées... À deux endroits différents, ils prennent des gens en otage, des gens
"qu'avaient rien demandé"… Là encore, ils feront d'autres victimes…
Le vendredi,
tout était fini : les meurtriers ont été abattus... Ce soir-là, je ne savais
pas si c'était une bonne chose ou pas : je ne crois pas au principe du
"Oeil pour oeil, dent pour dent" et les tuer risquait de faire d'eux
des martyrs auprès des sympathisants de leur cause. Et pourtant, l'espace de
quelques secondes, je me suis surprise à penser "Bien fait,
na!"
Le
dimanche, une manifestation... des millions de gens dans la rue. Du jamais vu!
Est-ce que ça a changé… est-ce que ça va changer les choses? Je ne sais pas. Je
me dis que pour un intégriste/extrémiste, ces gens dans la rue sont
certainement des imbéciles qui ne comprennent rien, à manifester avec ce bête
panneau "Je Suis Charlie" et à oser afficher la tête de Mahomet
en pleine rue. Mais en même temps... ne rien faire? Je pense que cela n'était
même pas envisageable.
Ah oui,
et la belle photo avec tous les zouaves politiques, là! J'avoue avoir imaginé
la Bande à Charlie installée là-haut sur un nuage s'écrier "On a
la couv'! On a la couv'!" avant de se rappeler qu'ils n'étaient plus ici
avec nous... et de se dire "Pas grave! On va en créer un ici et on l'appellera
'Charlie Heaven'". Et l'un d'eux de rajouter "Ce sera pas plutôt
Charlie Hell avec le b***del qu'on va encore causer?". Comme je ne sais
pas dessiner, vous n'avez qu'à imaginer la scène en cases de bande dessinée...
C'est bête mais... j'ai ri en y pensant.
D'ailleurs,
en parlant de dessins, j'en ai vu passerdans la presse et sur les réseaux
sociaux, en deux semaines… De nombreux "scribouilleurs", connus ou
pas, ont posé sur papier leurs craintes, leur colère… et leur hommage,
finalement. Chacun avec son sens de l'humour. Il y a eu les tout doux, les
sarcastiques, les humour noir, les culottés, les sauvages, les sobres, les
humbles mais avaient tous en commun une chose : le respect des disparus. Et de
l'esprit Charlie Hebdo. Parce que quelques-uns de ces dessins auraient probablement
pu apparaître dans les colonnes de l'hebdo satirique…
© E.T. (Dessin du 11/01/2015) |
© SamSam (Dessin du 07/01/2015)
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© Stédo (Dessin du 10/01/2015)
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Les
jours avancent et la sortie du prochain Charlie Hebdo approche : d'abord
annoncé à un million d'exemplaires, il sera finalement imprimé trois millions de fois,
contre les soixante mille habituels. Ah nan, mercredi, on apprend que c'est
cinq millions. Samedi dernier, le chiffre est monté à 7 millions. Et on se les
arrache : on a des listes de réservation à rallonge, on se lève à quatre heures
du matin, on fait la file devant les kiosques et librairies comme si on
redécouvrait l'existence du papier journal... Vous vous souvenez de ce roman
qui parle d'un ticket d'or caché dans une tablette de chocolat qui permettait à
l'heureux détenteur de visiter une chocolaterie mythique? M'est avis que ceux
qui avaient un Charlie Hebdo mercredi avaient l'impression d'avoir leur ticket
d'or. C'était quoi encore, le titre de ce roman? Ah ouais… eeeeuhhh… mince…
"Charlie" et la chocolaterie. J'aurais voulu le faire exprès que je
n'y serais pas arrivée…
Evidemment,
quand la mort frappe à la porte (de Charlie Hebdo dans ce cas…) et quand la
demande est plus forte que l'offre, les charognards sont de sortie…
Mercredi
dernier, je fais le test avec Amazon : la BD "La Vie de Mahomet" de
Charb, dont on a beaucoup parlé, est en rupture de stock mais sera à nouveau
disponible dès février 2015, au prix modique de 24,90 Euros. Mais sinon, vous
pouviez faire appel au vendeur en "occasions" qui le cédait
volontiers pour… 650 Euros. La patience a des vertus… économiques, je dirais.
Ça fait
une semaine que je retourne la maison pour retrouver mes BDs et mon tome I des
Fatwas… sauf que moi, c'est pour les relire. Et...nan! N'insistez pas... JE LES
VENDRAI PAS, JE VOUS DIS!!! ÇA SUFFIT, OUI? Bon… faut que j'appelle ma banque
pour voir si on peut assurer des livres contre le vol. On ne sait jamais…
Même
jour, je passe sur eBay. Je repère les deux dernières éditions du magazine,
dont le dernier n'est qu'un nourrisson âgé de quelques heures.
Celui-ci
est en vente avec la mention "Livre neuf, n'ayant jamais été lu ni
utilisé, en parfait état, sans pages manquantes ni endommagées." Déjà là,
tu te dis déjà qu'il y a un problème… et celui-ci grandit considérablement
quand tu constates que l'enchère est montée à… 10.000 Euros.
Le
1177? Même combat : "Objet neuf et intact, n'ayant jamais servi, non
ouvert." Enchère à : 10.000 Euros aussi. Nom du vendeur : jacklebrigand.
Effectivement. Et pas qu'un peu.
Rapide
calcul : si les couillons qui sont en train de surenchérir avaient eu la bonne
idée de s'abonner à Charlie il y a deux semaines, ils auraient eu, pour ce
prix-là et avec le n°1178, les Charlie Hebdo des… 94 prochaine années!
Cela
fait plusieurs années que je me dis que je vais arrêter mes cotisations
syndicales : on voit jamais la tronche de la déléguée, on reçoit les infos de
manif' en regardant la téloche et à 37 piges et 13 ans de carrière, j'ai
compris que si j'avais un jour des soucis au boulot, je m'en sortirai probablement
mieux en faisant appel à un avocat qu'au syndicat. Je pense qu'avec l'argent
épargné, je vais prendre un abonnement à Charlie… C'est plus sympa à lire que
le bulletin du syndicat. Et y a pas assez de ptits Mickeys chez les
syndicalistes!
Je
parlais dans ma dernière chronique de la liberté d'expression. J'ai tout de
même eu la méchante impression qu'elle partait parfois en cacahuète,
principalement après la manifestation nationale. Faut dire que quand on a su
que dans la foule se trouvaient des politiques qui sont assez réticents quant à
la liberté d'expression, cette dernière est un peu devenue la blague du jour… (Encore
plus maintenant que l'on sait que certains ne sont plus si "fiers"
aujourd'hui d'y avoir été vus). On met maintenant la liberté d'expression à
toutes les sauces et on peut tout dire en se servant d'elle comme d'un bouclier.
Enfin… ça marche pas partout : chez Sud Presse, quand le journaliste Xavier
Lambert donne, via mail interne, son avis quant à la une d'un journal au goût
un peu douteux, on lui brandit un C4 sous le pif! Un comble pour un organe de
presse!! Et non je ne citerai pas cette feuille de chou… Mais pour sortir une
première page arborant les portraits des meurtriers avec la mention
"abattu" et le texte "Justice est faite" en-dessous desdits
portraits sans se poser trop de questions, faut vraiment aimer jeter de l'huile
sur le feu… non? Ah Charb, ça suffit, hein! Marrant, va! On peut pas mélanger
Charlie et… euh… "la" feuille de chou.
© Charb
|
J'illustre
souvent une chronique avec une chanson dont je parle de l'origine. Ici, je n'avais
pas envie de parler de genèse mais voulais tout de même choisir un morceau. Un titre
tendre et doux - voire un peu triste - mais qui donnerait aussi envie de
sourire… un peu comme les deux cases finales de la planche de Luz dans l'édition
1178. Celle en page 8. J'ai ri et j'ai eu un peu les larmes aux yeux aussi…
Je me suis
souvenue de "Going Home", ce morceau que Mark Knofpler, l'ex-leader
des Dire Straits, avait écrit pour le film "Local Hero". Un choix
inconscient. Sans me rendre compte immédiatement de l'ironie du choix de cette
chanson … "Revenir à la maison" (going home)? "Héro local"
(local hero)?
Depuis deux
semaines, les victimes des trois c.o.n.n... (bon, vous voyez ce que je veux
dire, maintenant, non?) sont considérées comme des héros et des symboles… et
pourtant… je n'ai pas l'impression que ça leur aurait plu. Et surtout… qui ne
souhaiterait pas les voir revenir tous dans leurs pénates? Qu'on fasse comme si
rien ne s'était passé et que la vie reprenne son cours? Non, ça serait trop
facile… même si la vie reprendra tout de même et inévitablement son cours.
Une
preuve? Mercredi dernier, notre joyeuse bande, constituée notamment de
communicateurs et de graphistes s'imaginait bien imprimer des bites, des
crayons et des kalachnikovs sur un de nos stands durant un salon. Une forme
d'hommage, quoi… Faut reconnaitre que le côté unique de ce stand en plein
milieu d'un salon de l'étudiant permettrait au public de retenir notre nom. Évidemment,
une idée en entrainant une autre, c'est tout juste si on ne préparait pas déjà
les maquettes et les slogans accrocheurs, en se bidonnant de nos propres
idioties verbales…
OK, on
est réalistes : il n'y a aucune chance que le projet voie le jour ou même
atterrisse sur le bureau d'un chef mais vous savez… ça nous a fait du bien de
rire un bon coup!
J'ai
écrit le plus gros de cette chronique mercredi dernier, exactement une semaine
"après" et était en train de la relire jeudi lorsque l'on a appris
qu'une opération de police se tenait dans plusieurs villes de Belgique afin de
démanteler "une cellule terroriste
et un réseau logistique". Une opération qui a fait grand bruit et qui
s'est soldée par l'interpellation de quinze personnes et la mort, à Verviers, de
deux jeunes récemment revenus de Syrie… Leurs actions – apparemment imminentes
- ne visaient pas un journal mais le public et les forces de l'ordre. Rien à
voir avec Charlie Hebdo, donc. Et pourtant… le fait que les attaquants de la rédaction
du magazine satirique soient revenus de Syrie a probablement
"éveillé" la conscience politique en les poussant à augmenter la
vigilance… Les mises sur écoute ont donc ainsi permis de démanteler un réseau. C'est
bien. Mais ça console aussi fort peu : cela ne ramènera pas les victimes de Paris
et… il reste encore beaucoup de chemin à faire.
Vendredi
dernier, j'étais justement à Verviers pour accueillir un bon millier d'enfants
dans une école où ils avaient l'opportunité de découvrir différents métiers.
Lorsque j'ai demandé à l'un d'eux s'il avait trouvé les études de son choix, il
m'a répondu "Je vais étudier pour être menuisier. Et vous, vous avez
étudié pour être quoi?" Quand je lui ai répondu "Journaliste",
il m'a répondu par un spontané "Ben, bonne chance hein!" déclenchant
l'hilarité autour de moi… Bravo gamin!
Je me
rends compte que cette chronique est un peu en demi-teinte : elle est le
résultat d'un moral en mode yoyo… Pourtant vendredi, en me disant que tout
semblait partir en cacahuète dans le monde et en repensant au gamin, la pièce
est tombée : si tout fout effectivement le camp, alors autant y aller
joyeusement et… vivre. Mais vivre comme on l'entend. Si je peux apporter
parfois une nuance dans mes propos, je n'ai pas envie d'avoir peur de
m'exprimer à propos de choses qui me touchent ou qui me révoltent. Je
continuerai donc à le faire et à apprécier les discussions avec des personnes
qui ne sont pas forcément d'accord avec moi car j'estime que ces échanges
doivent nous enrichir plutôt que nous diviser… Et si quelqu'un fait tout péter
un jour, j'aurai au moins la satisfaction de ne pas avoir de regrets sur ce
point. Cela dit, je ne rechigne pas à vivre centenaire non plus, remarquez…
Allez…
durant ces deux semaines, il y a tout de même quelques petites choses m'ont
faite sourire… voire rire à gorge déployée, comme par exemple l'édition du
Petit Journal qui cherchait à tout prix à faire comprendre aux Américains que
les "no go zones" c'est… no way! Et qui ont réussi à faire plier Fox
News qui a présenté publiquement des excuses… Bravo!
Je me
suis aussi toujours amusée grâce aux gens qui font preuve d'un bon sens à toute
épreuve et qui, avec deux phrases, arrivent à clôturer un débat qui pourrait
durer des heures. Si vous ne l'avez pas encore compris, Charb, je l'aimais
bien… principalement et, fort justement, pour son bon sens et sa grande
pertinence. Alors évidemment, cette vidéo… elle gardera toujours une saveur
inégalable. Tu m'manques, t'sais… Fort.
Je ne
peux finir cette chronique sans adresser un grand MERCI à Emeline (dite E.T.), Sam (dit SamSam) et Steph (dit Stédo)
de m'avoir autorisé à utiliser leurs dessins pour cette chronique. V'z'êtes
top, les potes!
Quant à
toi, Charb, où que tu sois… si tu ne veux pas que je fasse usage de ton dessin,
frappe un grand coup sur le derrière de ma tête et je l'ôterai… Promis! Et si
t'es occupé à ce moment-là, tu peux envoyer un de tes copains, ça m'dérange pas…
Tiens… embrasse-les de ma part, aussi, hein.
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